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Relire Schopenhauer

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Tweet philosophie. Passer du pessimisme adopté par Schopenhauer dans « Le monde comme volonté et comme représentation » au volontarisme qui exige l’optimisme. Le sens du monde ne se lit nulle part. Il n’est inscrit nulle part. Il n’est ni dans un préprogramme, ni dans une fatalité, ni dans une logique du progrès, ni dans la tragédie d’une catastrophe annoncée. Le sens est une volonté. Il est celui que nous déciderons ou non de donner à notre aventure humaine collective.
hf

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Toile contre-empreintes de mains, 1982

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Il n’y a pas de progrès en art, mais bien sûr il y a une histoire, collective de l’art, ou plutôt une multitude d’histoires de l’art selon la multitude des sociétés qui ont coexisté. J’ai toujours contesté la vision idéaliste de Malraux et sa passion pour une histoire générale ou universelle de l’art.Il y a aussi les histoires individuelles, celles de chaque artiste. Et il y certain que chacun de nous apprend, cherche, évolue, progresse dans son travail jusqu’à une éventuelle maturité.
Pour ce qui me concerne, je dirai que ma recherche a progressé, divergé, changé sans doute, mais je ne crois pas que ma production des années 1970 ou 1980 ou 2010 ait progressé. Je me suis toujours déclaré artiste de classe moyenne et artiste d’arrière-garde, par ironie vis-à-vis de l’obsession avant-gardiste des années 1960-1970, tout aussi bien que par rapport à l’art élitiste des mêmes années.
Ainsi, mes toiles de contre-empreintes de main républicaines des années 1970, bleues et rouges sur fond blanc, celle-ci, de 1982, où j’ai pris la liberté d’explorer d’autres couleurs et de mettre du désordre dans les enlignements, ou cette murale de 2010 au Musée d’art moderne de Céret, où les mains en tombant se crispent, se serrent comme des poings mutilés, pour évoquer une évolution sociale dramatique depuis une quarantaine d’années, ne sauraient suggérer le moindre progrès, ni recul. Elles ont évolué dans ma recherche et je n’ai aucune raison de ne pas y revenir aujourd’hui. Je me contredirais en m’interdisant de reprendre ce mode d’expression et rien ne justifierait de valoriser davantage les premières ou les plus récentes, ou le contraire. Je n’exclue aucunement de refaire des toiles de contre-empreintes de main! Ainsi le permet l’arabesque de la recherche, qui est rarement linéaire, comme l’évolution du contexte historique et social de l’artiste et de sa psyché.
Il en est de même de l’avenir de l’art. Il ne sera pas meilleur que son passé; il ne correspondra pas davantage à un progrès par rapport à l’art romantique, impressionniste, abstrait ou futuriste. Il sera cependant à coup sûr différent, moins centré sur des problèmes d’esthétique et plus sur des problématiques sociales et éthiques.
Hervé Fischer

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De la préhistoire à l’avenir de l’art

Arnaud Fischer

Cette murale réalisée au Musée d’art moderne de Céret en octobre 2010 reprend la contre-empreinte de mains de l’art préhistorique et que j’avais choisie au début des années 1970 pour mes toiles essuie-mains.
Je voulais souligner ainsi qu’il n’y a pas de progrès en art, dans l’histoire de l’art. Le progrès n’est pas une idée pertinente en art.
Je faisais ainsi un clin d’oeil au mouvement Support/Surface, tout en explorant le thème de l' »hygiène de l’art » avec lequel j’ai introduit l’art sociologique. L’empreinte de main est le premier geste de l’artiste vers le support de l’image. Le plus ancien et le plus fondamental. Et en accord avec la problématique de démystification des illusions et de la subjectivité de la peinture, qui dominait à l’époque de BMPT et de Support/Surface, j’avais choisi le bleu-blanc-rouge de la bourgeoisie républicaine.
Reprenant ce thème à l’échelle d’une murale dans cette exposition rétrospective, j’y ajoutai l’expression d’une distorsion et d’une souffrance qui ont cru dans notre société depuis les années 1970. Du haut vers le bas de la murale, les mains prennent en tombant des formes de plus en plus mutilées, des formes de poings crispés.
Il est prévu que cette murale sera effacée d’ici l’été 2011 – les règles du musée obligent -, pour laisser place à d’autres accrochages.
Hervé Fischer

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10 arabesques et 6 divergences

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Voici les dix arabesques et six divergences qui résument « L’avenir de l’art », publié par vlb à Montréal en mai 2010 et en vente en France depuis novembre.

 Parking. Parade du grand chambardement. Feu d’artifice. Le parterre participe
sans parcimonie:
L’art, c’est l’air de la liberté. Incarnons la charade. Arrêtons les gardiens et parcourons les arabesques artisanales. Sans égard aux argousins du mitard, brandissons les divergences ! Les otaries sarcastiques des eaux taries parties, les martyrs de l’archaïsme s’arment sans parjure ni désarroi. Larguons dare-dare les amarres et embarquons. Harponnons ce bâtard de hasard sans retard ! Gare aux guépards sarcastiques ! Le regard hagard, la divine diva vagit sur le divan, la boîte à bois aboie, le chat chatte. Les théories sont des fabulations fatales ou créatrices. L’art s’en moque, la philosophie s’en rit. Adieu ! Vive l’art ! Changeons les mythes de l’avenir.

Première arabesque
Contrairement aux dénonciations d’un art qui serait devenu n’importe quoi, l’art postmoderne a fait preuve depuis une cinquantaine d’années d’une grande créativité, d’une liberté foisonnante, d’une lucidité critique, et d’une morbidité légitime face à la crise de la civilisation occidentale.

Deuxième arabesque
Loin de disparaître, l’art, en explorant jusqu’à la lie les expressions du désenchantement général, nous fait prendre conscience de l’urgence d’une sortie de crise et d’un rebondissement de notre aventure humaine.

Troisième arabesque
La fin de l’hégémonie occidentale, confrontée à la Tour de Babel de la diversité des cultures, nous annonce un renouvellement thématique et stylistique majeur de l’art de demain.

Quatrième arabesque
Tout art est et demeurera iconique, le cinéma comme la peinture. L’image fixe gardera plus que jamais son pouvoir matriciel pictural et métaphorique, surtout dans un monde que le mouvement et la vitesse exposent à l’instabilité et à sa propre perte de sens.

Cinquième arabesque
Les arts numériques ont la même importance que la peinture ou la sculpture, mais ils ne peuvent légitimement prétendre au monopole artistique qu’ils revendiquent. Multimédias, mais condamnés à l’éphémérité, ils ne perdurent qu’en se remplaçant constamment.

Sixième arabesque
Les arts scientifiques réactualisent le lien ancien entre art et science pour explorer la nouvelle cosmogonie de l’âge du numérique. Ils s’impliquent dans les débats de société que suscite l’avancée de la technoscience aux limites de la science-fiction. Ils constituent l’une des tendances principales de l’avenir de l’art.

Septième arabesque
Au fur et à mesure qu’on enterrera les dieux, l’art remplacera la religion et deviendra laïc.

Huitième arabesque
L’efficacité de la peinture, tant au niveau de la création iconique, que de ses modes de production, de la diffusion et de la pérennité des œuvres est difficile à battre.

Neuvième arabesque
Contrairement à la prophétie hégélienne, l’art devient de plus en plus philosophique. L’art occidental pense le monde, son propre sens et celui de l’aventure humaine. Il est caractérisé par son style interrogatif.

Dixième arabesque
L’art ne reflète pas seulement la réalité. Il construit notre perception du monde et notre propre image. Le temps de l’art postmoderne est clos. L’avenir de l’art n’est plus de fonder une Histoire, mais de l’espoir. L’art changera le monde.

Première divergence
Nous devrons construire un nouveau dialogue entre médias traditionnels et nouveaux et instaurer des beaux-arts numériques.

Deuxième divergence
L’éthique se développera paradoxalement avec le progrès de la technologie.

Troisième divergence
L’éthique inspirera l’esthétique.

Quatrième divergence
Le retour de la peinture, à condition qu’elle actualise ses thèmes, s’impose paradoxalement à l’âge du numérique.

Cinquième divergence
L’historicisme est anecdotique et ne figurera dans aucune des histoires de l’art futures, qui seront divergentes.

Sixième divergence
À l’opposé des arts numériques qui semblent dominer, mais qui tendront à se diluer dans les mass médias de divertissement, les arts du XXIe seront de plus en plus sociocritiques.

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Art et progrès

Je ne crains pas de l’affirmer, contrairement au slogan habituel des intellectuels de bon ton : l’art change le monde. Un artiste peut changer le monde au moins autant que tel chef d’État, tel philosophe ou tel scientifique que l’histoire célèbre légitimement. Les esprits brillants qui le nient avec un sourire désolé, en s’en remettant à leur scepticisme habituel, qu’ils prennent pour de l’intelligence, feraient mieux d’y réfléchir. L’art change le monde autant que les idées, aussi peu et tout autant, c’est-à-dire beaucoup. Avec cette différence que les idées ne changent pas toujours le monde pour le meilleur, il s’en faut de beaucoup. La politique change le monde, mais souvent pour le pire. Les fascismes et les dictatures détruisent le monde. Ce n’est jamais le cas de l’art. Lorsqu’il a une influence, c’est toujours pour le meilleur.
Je ne reconnais pas de différence de nature entre l’art et la philosophie. Sans nier, bien au contraire, leur différence de moyens d’analyse et d’expression. En tant que peintre je me sens souvent proche de l’écriture. Je sais que je viens encore d’énoncer deux idées à contre-courant de l’évidence qui circule, et qui me condamnent aux yeux des adeptes de catégorisations. Ce sont eux qui s’en remettent à des lieux communs anciens, du rationalisme le plus classique et le plus réducteur.
Pourquoi cette obsession de changer le monde? Parce qu’il est aujourd’hui un scandale permanent du point de vue éthique.
Artiste, philosophe, chercheur scientifique ou dirigeant politique, c’est l’homme qui change le monde. Dans le domaine artistique, cela ne suppose pas de faire de l’art politique, que ce soit de propagande réaliste socialiste. L’art change le monde lorsqu’il explore notre image du monde, notre sensibilité et les rend visibles; lorsqu’il en déchiffre les structures et les valeurs, et prend position visuellement à leur égard, soit en les célébrant, soit en les refusant, soit en en proposant de nouvelles. Il n’est pas nécessaire qu’il dénonce explicitement la guerre, la misère, l’exploitation humaine, l’injustice ou l’hypocrisie. Il suffit qu’il mette à nu les structures mentales et les valeurs dont découlent ces situations inacceptables.
Et pour y parvenir, toutes les technologies sont légitimes, que ce soient la danse ou la sculpture, l’architecture ou la musique, la peinture ou l’informatique. Les arts numériques ont le mérite d’explorer la technoscience et l’âge du numérique. C’est une vertu majeure. Mis ils tombent souvent dans le travers des communications de masse, de l’interactivité ludique et de la culture de distraction. Tel n’est pas le cas des arts scientifiques, qui contribuent significativement aux grands débats de société de notre époque et à des prises de conscience au niveau bioéthique.
Il faut cependant sans cesse rappeler que l’art ne peut pas devenir dépendant du progrès technologique. Il peut, il doit s’y intéresser, mais ce n’est pas la technologie qui fait l’art, qui détermine la valeur, ni la puissance d’expression de l’art.Ce n’est pas un thème central de l’art, comme plusieurs l’affirment aujourd’hui avec un zèle prosélytique. L’art est une création du cerveau et de la psyché de l’homme, pas d’un ordinateur, ni d’un algorithme, aussi puissants et actuels puissent-ils paraître. Au contraire : plus la technologie informatique est sophistiquée, plus l’art qui y recourt est éphémère et perd de son efficacité.
Le lien qui compte, c’est celui entre l’art et le degré de conscience de l’homme, ou, en d’autres termes, entre l’art et l’humanisme, entre l’art et le progrès humain.
Nous abordons ainsi les rapports entre l’art, le beau et le bien : un thème ancien, sur lequel nous reviendrons, car il demeure des plus actuels. Il faut le rappeler aux créateurs qui se consacrent aux arts numériques.
Hervé Fischer