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Les artistes pour la paix

Arnaud Fischer

Mes amis du regroupement des artistes pour la paix, l’APLP, m’ont fait l’amitié en décembre 2013 de m’inviter à rejoindre leur conseil d’administration. Le 14 février, lors de la célébration du trentième anniversaire du regroupement, j’ai eu le plaisir de rendre hommage à Dominique Blain, une grande artiste dont l’engagement dans l’actualité, l’originalité et la force d’expression convainquent immédiatement. Le mode interrogatif, plutôt que partisan dénonciateur, de ses images photographiques, de ses constats, (objets, installations), qui favorise la réflexion critique personnelle du public, rejoint mes options personnelles de l’art sociologique pour prioriser la dimension éthique de l’art et y soumettre l’esthétique.
J’ai donc beaucoup apprécié que Pierre Jasmin, le grand manitou de l’APLP, me confie cet hommage, que je veux prolonger ici en reproduisant une oeuvre emblématique de Dominique Blain:

Arnaud Fischer original 2.galerie antoine ertaskiran Dominique Blain The Oval Office low

Dominique Blain, le tapis à motif de mines antipersonnelles (2001-2012) dans le bureau ovale de la Maison Blanche

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La peinture pour quoi faire?

Arnaud Fischer la+vie

On nous dit que face au numérique la peinture est devenue obsolète aujourd’hui. Voilà une affirmation aussi superficielle que répandue.
Aujourd’hui, le problème de la peinture n’est plus la peinture elle-même, mais le monde lui-même. Depuis le XIXe siècle, la peinture s’est interrogée sur elle-même, inventant l’impressionnisme, le fauvisme, le cubisme, l’art abstrait, etc. Elle a questionné la perspective, la touche, le point, la ligne et la surface, opté pour l’arabesque ou la gestualité, pour le hard edge ou pour le monochrome, pour le dripping, le collage, pour l’abstraction chromatique ou pour la déconstruction du support et de la surface. Une aventure passionnante. Mais aujourd’hui, la peinture a fait le tour de son jardin et exploré toutes ses options stylistiques. Le temps n’est plus, comme disait Godard, de regarder les poils du pinceau plutôt que la pomme. Le monde actuel n’est pas obsolète. Il nous défie. Et ce n’est donc plus la peinture que la peinture doit explorer et interroger. C’est le monde actuel en mutation accélérée que la peinture doit questionner. Le monde est redevenu plus important que la peinture, parce qu’il nous interpelle, nous désarçonne, et que nous ne comprenons plus ce qu’il nous dit. La peinture contemporaine n’a d’autre choix que de atiquer le questionnement critique pour lequel j’avais opté avec l’art sociologique. L’éthique est devenue beaucoup plus importante que l’esthétique, l’interrogation philosophique que les effets rétiniens.
Et la peinture est, à cet égard, un média beaucoup plus puissant que la technologie numérique.

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10 arabesques et 6 divergences

Arnaud Fischer L%2527avenir%2Bde%2Bl%2527art

Voici les dix arabesques et six divergences qui résument « L’avenir de l’art », publié par vlb à Montréal en mai 2010 et en vente en France depuis novembre.

 Parking. Parade du grand chambardement. Feu d’artifice. Le parterre participe
sans parcimonie:
L’art, c’est l’air de la liberté. Incarnons la charade. Arrêtons les gardiens et parcourons les arabesques artisanales. Sans égard aux argousins du mitard, brandissons les divergences ! Les otaries sarcastiques des eaux taries parties, les martyrs de l’archaïsme s’arment sans parjure ni désarroi. Larguons dare-dare les amarres et embarquons. Harponnons ce bâtard de hasard sans retard ! Gare aux guépards sarcastiques ! Le regard hagard, la divine diva vagit sur le divan, la boîte à bois aboie, le chat chatte. Les théories sont des fabulations fatales ou créatrices. L’art s’en moque, la philosophie s’en rit. Adieu ! Vive l’art ! Changeons les mythes de l’avenir.

Première arabesque
Contrairement aux dénonciations d’un art qui serait devenu n’importe quoi, l’art postmoderne a fait preuve depuis une cinquantaine d’années d’une grande créativité, d’une liberté foisonnante, d’une lucidité critique, et d’une morbidité légitime face à la crise de la civilisation occidentale.

Deuxième arabesque
Loin de disparaître, l’art, en explorant jusqu’à la lie les expressions du désenchantement général, nous fait prendre conscience de l’urgence d’une sortie de crise et d’un rebondissement de notre aventure humaine.

Troisième arabesque
La fin de l’hégémonie occidentale, confrontée à la Tour de Babel de la diversité des cultures, nous annonce un renouvellement thématique et stylistique majeur de l’art de demain.

Quatrième arabesque
Tout art est et demeurera iconique, le cinéma comme la peinture. L’image fixe gardera plus que jamais son pouvoir matriciel pictural et métaphorique, surtout dans un monde que le mouvement et la vitesse exposent à l’instabilité et à sa propre perte de sens.

Cinquième arabesque
Les arts numériques ont la même importance que la peinture ou la sculpture, mais ils ne peuvent légitimement prétendre au monopole artistique qu’ils revendiquent. Multimédias, mais condamnés à l’éphémérité, ils ne perdurent qu’en se remplaçant constamment.

Sixième arabesque
Les arts scientifiques réactualisent le lien ancien entre art et science pour explorer la nouvelle cosmogonie de l’âge du numérique. Ils s’impliquent dans les débats de société que suscite l’avancée de la technoscience aux limites de la science-fiction. Ils constituent l’une des tendances principales de l’avenir de l’art.

Septième arabesque
Au fur et à mesure qu’on enterrera les dieux, l’art remplacera la religion et deviendra laïc.

Huitième arabesque
L’efficacité de la peinture, tant au niveau de la création iconique, que de ses modes de production, de la diffusion et de la pérennité des œuvres est difficile à battre.

Neuvième arabesque
Contrairement à la prophétie hégélienne, l’art devient de plus en plus philosophique. L’art occidental pense le monde, son propre sens et celui de l’aventure humaine. Il est caractérisé par son style interrogatif.

Dixième arabesque
L’art ne reflète pas seulement la réalité. Il construit notre perception du monde et notre propre image. Le temps de l’art postmoderne est clos. L’avenir de l’art n’est plus de fonder une Histoire, mais de l’espoir. L’art changera le monde.

Première divergence
Nous devrons construire un nouveau dialogue entre médias traditionnels et nouveaux et instaurer des beaux-arts numériques.

Deuxième divergence
L’éthique se développera paradoxalement avec le progrès de la technologie.

Troisième divergence
L’éthique inspirera l’esthétique.

Quatrième divergence
Le retour de la peinture, à condition qu’elle actualise ses thèmes, s’impose paradoxalement à l’âge du numérique.

Cinquième divergence
L’historicisme est anecdotique et ne figurera dans aucune des histoires de l’art futures, qui seront divergentes.

Sixième divergence
À l’opposé des arts numériques qui semblent dominer, mais qui tendront à se diluer dans les mass médias de divertissement, les arts du XXIe seront de plus en plus sociocritiques.