Publié le

L’art sociologique du XXIe siècle

 

Arnaud Fischer AVvXsEgNO0AnLAQDXCbyMFpc1HFFpI3Z 0iQoaW2ugWCWXX6tLH1tH6pQjSNleEAm4YsEyOG LBRZ4qs2CbscwuR0Hek4bAghRwRrlMHEbzDf2DPw7Pa8V9ATtJyWwezZ2oTMm977keCxcQ2pcQivo1ve7gMBorQmrqbqCWKt9dhcUwbq7DzEoKJPZn Bvkh=w400 h400


                                  La Terre n’est pas ronde. 

Elle s’étire selon la domination du Nord et le poids 

éthique dans notre conscience du Sud

Les trois événements artistiques internationaux majeurs de cet été 2022 ne laissent pas de doute: nous voyons émerger la diversité planétaire de ce qui constitue l’art sociologique du XXIe siècle. Venu surtout des pays du Sud, pauvres, de la périphérie de l’art métropolitain qui a dominé l’Occident pendant des siècles, cet art critique questionne le statut des femmes, le colonialisme, la violence et l’exploitation, le désastre écologique, les déséquilibres Nord-Sud de l’économie. Il est surtout collectif à la Documenta XV, féministe à la  Biennale de Venise, plus soucieux de critères esthétiques traditionnels à la Berlin Biennale for Contemporary Art. Il est moins politique au sens de dénonciations binaires qu’interrogatif, très généralement, didactique, souvent in progress et propose des dispositifs participatifs. Ce sont incontestablement des postures que j’ai choisies, revendiquées, mises en pratique dans les démarches de l’art sociologique tel que je l’ai conçu au tournant des années 1970. 

Il ne faut pas en être surpris, car c’était totalement prévisible, même si j’en suis moi-même quasiment surpris aujourd’hui. La dernière Documenta l’annonçait déjà. Le marché international de spéculation financière qui a pourri l’art est un cul-de-sac. Et le monde est plongé dans une crise planétaire si criante, que la création esthétique qui a aujourd’hui fait le tour de ses performances et innovations jusqu’à saturation, ne pouvait manquer de se soumettre à des exigences éthiques désormais conscientes et incontournables. Cela aussi je le souligne depuis longtemps. 

C’est certainement la Documenta 15 qui a choisi à cet égard le parti pris le plus fort. Explicitement collectives, participatives et pédagogiques, les installations qu’elle présente me paraissent les plus intéressantes, parce que les plus sociologiques. Elles questionnent frontalement plus qu’elles ne déclarent et condamnent. Elles documentent et constatent appelant à des prises de conscience personnelles. Nous n’y retrouvons pas les traces des succès esthétiques de la dernière génération artistique qui apparaissent encore assez déterminantes dans les choix des oeuvres exposées à Venise et à Berlin. Il y a à cette Documenta rupture et divergence. Les exigences et les pratiques de l’art sociologique des années 70 y sont omniprésentes. On y croit comme moi que l’art change le monde.

Dont acte. 

Publié le

 

Arnaud Fischer AVvXsEiYOItZdkuLgHSscuBndFCP4ojMVlimM joENo21JkdD79fEx jbqaPhO00IjLWzgvxc2ccwIbiWTGeY8Y3unn8hyGGpfNlefp1ptzLB9H6vdePHS YytmoQOXOBOdXq4ain0OAK PWf7L0R4iYf0NuOiEX 1DXbpIiRWfq73eOZTkbF sWkHgT7Jru=w475 h640

Rojo, acrylique sur bâche plastique, décembre 2020

Lettre à Ricardo Fabio Fuentealba

 

 Cher Ricardo,

Je n’ai pas oublié le texte que tu as publié sur la disparition de la toile que j’avais donnée au Musée de la solidarité de Santiago et la seconde toile que j’avais donc envoyée. J’y attache beaucoup d’importance et le musée le conserve comme un témoignage important.

Or voici l’acte II. 

Suite aux révoltes populaires récentes de 2020, j’ai envoyée au MSSA une bâche libre intitulée « Rojo » avec des mains mutilées. Je l’avais peinte à l’extérieur par -20 en décembre dans mon atelier d’hiver au Québec, avec difficulté. À cause du froid, les mains me gelaient rapidement et je devais m’interrompre régulièrement et me réchauffer dans le chalet pour poursuivre. 

J’ai envoyé cette toile en donation au MSSA et j’ai reçu par la suite un courriel m’en confirmant réception, mais m’informant que le MSSA ne pouvait la garder dans sa collection, car la peinture rouge s’écaillait. J’ai compris que le froid avait empêché que le pigment rouge se fixe durablement. Puis le MSSA m’a proposé de l’accrocher sur la façade du musée pour la commémoration annuelle de septembre, en me prévenant que la toile ne resterait sans doute pas aux intempéries. Et en effet le soleil et le vent l’ont maltraitée, et notamment déchirée. 

Après, j’ai donc propos à Carlos ALTAMIRANO, artiste très engagé socialement de passer la prendre au musée et d’en disposer, éventuellement en y intervenant et en la co-signant conséquemment. À ma connaissance, jusqu’à présent il l’a simplement gardée telle quelle.

Mais je considère que cette toile en hommage à la souffrance humaine du peuple chilien, qui a elle-même souffert dès sa création dans l’hiver québécois, puis lors de son accrochage sur la façade du MSSA, exprime dans sa matière même cette souffrance et que sa destruction progressive inéluctable a désormais valeur d’expression emblématique de l’histoire récente du Chili. 

Je voudrais donc qu’elle soit respectée comme une relique et que tu en prives le récit, comme tu as fait celui de l’acte I. Et je souhaite qu’elle soit conservée au Chili, accompagnée de ce récit. Une peinture est un récit visuel. Un récit de destruction prend dans son cas une expression symbolique ou emblématique importante. Au fond, je crois qu’elle a ainsi sa place légitime de témoignage au MSSA.

Est-ce-ce toi qui comprendra ma position, mon engagement et la ramènera en toute légitimité et signification historique au MSSA ?

Y es-tu disposé comme je l’espère intensément ?

Je t’envoie en ppt par wetransfer les infos de base de ce récit. Une œuvre d’art qui s’autodétruit pour répondre à son but d’hommage au peuple chilien est une œuvre qui prendra l’importance que le peuple chilien et donc le MSSA voudra bien lui reconnaître. Je ne vois que toi pour comprendre et assumer ce mandat.

Peut-être.

Hervé

 

Querido Ricardo,

No he olvidado el texto que publicasteis sobre la desaparición del cuadro que regalé al Museo de la Solidaridad de Santiago y el segundo cuadro que envié. Le doy mucha importancia y el museo lo conserva como un testimonio importante.

Pero aquí está el segundo acto. 

Tras las recientes revueltas populares de 2020, envié al MSSA un lienzo gratuito titulado « Rojo » con las manos mutiladas. Lo había pintado al aire libre a -20 en diciembre en mi estudio de invierno en Quebec, con dificultad. Debido al frío, mis manos se congelaron rápidamente y tuve que parar regularmente y calentarme en la cabaña para continuar. 

Envié este cuadro a la MSSA como donación y más tarde recibí un correo electrónico confirmando la recepción, pero informándome de que la MSSA no podía conservarlo en su colección porque la pintura roja se estaba desconchando. Comprendí que el frío había impedido que el pigmento rojo se fijara de forma permanente. Entonces, el MSSA se ofreció a colgarlo en la fachada del museo para la conmemoración anual de septiembre, advirtiéndome de que probablemente el cuadro no permanecería a la intemperie. Y efectivamente, el sol y el viento lo han tratado mal, y en particular lo han desgarrado. 

Después, le propuse a Carlos ALTAMIRANO, un artista muy comprometido socialmente, que viniera a llevarlo al museo y a disponer de él, posiblemente interviniendo y consecuentemente cofirmándolo. Por lo que sé, hasta ahora simplemente lo ha mantenido tal cual.

Pero considero que este cuadro, homenaje al sufrimiento humano del pueblo chileno, que a su vez sufrió desde el momento en que fue creado en el invierno de Quebec, y luego cuando fue colgado en la fachada del MSSA, expresa este sufrimiento en su propia sustancia, y que su progresiva e ineludible destrucción tiene ahora el valor de una expresión emblemática de la historia reciente de Chile. 

Por lo tanto, me gustaría que se respetara como una reliquia y que se privara a la historia de ella, como se hizo en el primer acto. Y me gustaría que se mantuviera en Chile, junto con esta historia. Un cuadro es una narración visual. La narración de la destrucción adquiere en su caso una importante expresión simbólica o emblemática. Básicamente, creo que tiene el lugar que le corresponde como testimonio del MSSA.

¿Serás tú quien entienda mi posición, mi compromiso, y lo devuelva al MSSA con toda legitimidad y significado histórico?

¿Está usted dispuesto a hacerlo, como espero que sea?

Te envío la información básica de esta historia en forma de ppt por wetransfer. Una obra de arte que se autodestruye para cumplir con su propósito de homenaje al pueblo chileno es una obra que tomará la importancia que el pueblo chileno y por ende el MSSA le quiera dar. Sólo tú puedes entender y asumir este mandato.

Tal vez.

Hervé