Catégorie : hygiène de l’art
IMPACT II Céret 1972
La déchirure des oeuvres d’art
Le chéquier de l’artiste
De la grotte à la caverne, puis au musée – de l’obscurité à la lumière, puis à la matière
De la grotte préhistorique avec ses peintures pariétales à la caverne platonicienne des simulacres et des mensonges de nos perceptions, nous avons évolué dans une grande aventure spirituelle de l’Occident. Nous sommes passés d’un marquage magique, animiste, de la paroi sombre à sa dévalorisation au nom d’un monde des idées. L’esprit a migré de l’obscurité à la lumière, de l’animisme au déisme.
Et nous voilà dans le musée, dans le temple de l’art, mais d’un art qui aujourd’hui démystifie le cadre et le châssis de la toile, conteste le simulacre de la représentation picturale, pose des questions critiques sur lui-même, sur le musée et sur la société. Hygiène de l’art, art sociologique, esthétique interrogative critique. Voilà la conquête de l’athéisme. Et le musée devient ainsi un lieu social et philosophique, qui contribue à l’avancée de notre conscientisation humaine, de notre lucidité et de notre liberté.
J’ai ainsi le sentiment que nous avons parcouru beaucoup de chemin dans notre évolution humaine et que la dite crise de l’art que nous avons traversée nous a fait beaucoup avancer. Un moment emblématique de l’avenir de l’art, que cette démarche au Musée d’art moderne de Céret marque fortement du fait du réemploi divergent, réactualisé, des empreintes de mains préhistoriques. Ce n’est pas un cycle qui est bouclé, mais au contraire un changement radical de l’esprit qui est clairement indiqué.
Les essuie-mains et la murale aux mains, Musée de Céret, Rétrospective octobre 2010 – mai 2011, Musée de Céret. Les quatre essuie-mais – hygiène de l’art datent de 1971 et la murale de 2010.
Esthétique interrogative
L’avenir de l’art dépend tout autant de notre questionnement sur l’art, sa fonction anthropologique, que de notre questionnement sur l’avenir de l’humanité auquel nous aspirons. C’est la même réponse qui vaudra pour les deux questions. Il faut donc commencer par le questionnement, interroger l’art, concevoir une esthétique interrogative. Cette signalisation et ces toiles de contre-empreintes de main, qui datent dans ma démarche du tout début des années 1970, étaient le fondement même de l’art sociologique.
hf
De la préhistoire à l’avenir de l’art
Cette murale réalisée au Musée d’art moderne de Céret en octobre 2010 reprend la contre-empreinte de mains de l’art préhistorique et que j’avais choisie au début des années 1970 pour mes toiles essuie-mains.
Je voulais souligner ainsi qu’il n’y a pas de progrès en art, dans l’histoire de l’art. Le progrès n’est pas une idée pertinente en art.
Je faisais ainsi un clin d’oeil au mouvement Support/Surface, tout en explorant le thème de l' »hygiène de l’art » avec lequel j’ai introduit l’art sociologique. L’empreinte de main est le premier geste de l’artiste vers le support de l’image. Le plus ancien et le plus fondamental. Et en accord avec la problématique de démystification des illusions et de la subjectivité de la peinture, qui dominait à l’époque de BMPT et de Support/Surface, j’avais choisi le bleu-blanc-rouge de la bourgeoisie républicaine.
Reprenant ce thème à l’échelle d’une murale dans cette exposition rétrospective, j’y ajoutai l’expression d’une distorsion et d’une souffrance qui ont cru dans notre société depuis les années 1970. Du haut vers le bas de la murale, les mains prennent en tombant des formes de plus en plus mutilées, des formes de poings crispés.
Il est prévu que cette murale sera effacée d’ici l’été 2011 – les règles du musée obligent -, pour laisser place à d’autres accrochages.
Hervé Fischer