On nous dit que face au numérique la peinture est devenue obsolète aujourd’hui. Voilà une affirmation aussi superficielle que répandue.
Aujourd’hui, le problème de la peinture n’est plus la peinture elle-même, mais le monde lui-même. Depuis le XIXe siècle, la peinture s’est interrogée sur elle-même, inventant l’impressionnisme, le fauvisme, le cubisme, l’art abstrait, etc. Elle a questionné la perspective, la touche, le point, la ligne et la surface, opté pour l’arabesque ou la gestualité, pour le hard edge ou pour le monochrome, pour le dripping, le collage, pour l’abstraction chromatique ou pour la déconstruction du support et de la surface. Une aventure passionnante. Mais aujourd’hui, la peinture a fait le tour de son jardin et exploré toutes ses options stylistiques. Le temps n’est plus, comme disait Godard, de regarder les poils du pinceau plutôt que la pomme. Le monde actuel n’est pas obsolète. Il nous défie. Et ce n’est donc plus la peinture que la peinture doit explorer et interroger. C’est le monde actuel en mutation accélérée que la peinture doit questionner. Le monde est redevenu plus important que la peinture, parce qu’il nous interpelle, nous désarçonne, et que nous ne comprenons plus ce qu’il nous dit. La peinture contemporaine n’a d’autre choix que de atiquer le questionnement critique pour lequel j’avais opté avec l’art sociologique. L’éthique est devenue beaucoup plus importante que l’esthétique, l’interrogation philosophique que les effets rétiniens.
Et la peinture est, à cet égard, un média beaucoup plus puissant que la technologie numérique.