On dit souvent qu’un artiste ne peut être un philosophe sans perdre sa créativité, car un artiste est un intuitif, un impulsif, qui ne devrait pas vraiment savoir ce qu’il fait! Et un philosophe serait un esprit abstrait, le contraire d’un imaginatif et d’un sensible, qui ne serait capable que de conceptualisation et de logique, à l’opposé du confusionnisme et de l’irrationalisme de l’imaginaire.
Pour rejeter au nom des catégories aristotéliciennes et de la routine institutionnelle le rapport étroit qui existe réellement entre l’art et la philosophie, il faut n’avoir aucune expérience réelle de la pratique actuelle de la philosophie, ni de celle de l’art. Voilà la divergence qui s’impose aujourd’hui par rapport à l’époque de Kant et de Hegel. Les deux démarches puisent dans l’imaginaire, celui de la théorie philosophique et celui de la discursivité imagée, toutes deux sont des écritures, toutes deux sont conceptuelles; toutes deux sont biographiques, toutes deux sont sensibles, toutes deux sont libidinales, hystériques, extrêmes – extrêmement ambitieuses aussi. Et si elles sont importantes, créatrices, toutes deux sont divergentes par rapport à la pensée et à l’imaginaire communs.
Hervé Fischer