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La maja desnuda

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Réinterpréter Goya et Picasso avec le langage d’aujourd’hui. Le peintre et son modèle, l’érotisme en codes-barres. Relier la tradition et l’actualité n’exclut pas la divergence.
(peinture acrylique sur toile, 2009.)

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artiste/philosophe

Arnaud Fischer artphilpois

On dit souvent qu’un artiste ne peut être un philosophe sans perdre sa créativité, car un artiste est un intuitif, un impulsif, qui ne devrait pas vraiment savoir ce qu’il fait! Et un philosophe serait un esprit abstrait, le contraire d’un imaginatif et d’un sensible, qui ne serait capable que de conceptualisation et de logique, à l’opposé du confusionnisme et de l’irrationalisme de l’imaginaire.
Pour rejeter au nom des catégories aristotéliciennes et de la routine institutionnelle le rapport étroit qui existe réellement entre l’art et la philosophie, il faut n’avoir aucune expérience réelle de la pratique actuelle de la philosophie, ni de celle de l’art. Voilà la divergence qui s’impose aujourd’hui par rapport à l’époque de Kant et de Hegel. Les deux démarches puisent dans l’imaginaire, celui de la théorie philosophique et celui de la discursivité imagée, toutes deux sont des écritures, toutes deux sont conceptuelles; toutes deux sont biographiques, toutes deux sont sensibles, toutes deux sont libidinales, hystériques, extrêmes – extrêmement ambitieuses aussi. Et si elles sont importantes, créatrices, toutes deux sont divergentes par rapport à la pensée et à l’imaginaire communs.
Hervé Fischer

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L’imagination au pouvoir

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Avec Daniel Cohn-Bendit lors du Forum Netexplorateur à l’UNESCO, Paris, en février 2010.

En mai 68, la vague des baby-boomers conduite par Daniel Cohn-Bendit appelait « l’imagination au pouvoir ».Cet appel à la divergence est né des frustrations de la nouvelle vague démographique face à une France vieillissante qui occupait les postes de commande et n’avait pas d’idées nouvelles à offrir aux jeunes et ne leur prêtait guère d’attention. Cet imaginaire invoqué n’avait pas de programme et était donc destiné à être un feu de paille. Il demeurait très vague, du genre « sous les pavés la plage ». Il venait de jeunes bourgeois étudiants et non pas de la classe ouvrière. La CGT y était opposée, le parti communiste aussi. Mai 68 n’est pas né d’une privation de liberté d’expression, ni de la faim, mais il est né d’une différence de sensibilité, d’un désir de liberté par rapport à des façons de penser et à des comportements figés.
C’est encore une vague démographique qui a déclenché depuis de nouvelles révolutions générationnelles. En 1989 la chute du mur de Berlin et les évènements de Tienanmen. Et maintenant les révolutions politiques du monde arabe. Mais cette fois, c’est le chômage et la misère qui ont motivés ces jeunes révolutionnaires et c’est de la démocratie qu’ils espèrent la solution à leurs maux. Pas de l’imagination,mais de décisions très réalistes, précises et concrètes. Cette révolution arabe est démographique comme en 1968. Plus de 50% de ces populations arabes a moins de 25 ans. Elle n’est pas situationniste. Elle n’est pas bourgeoise. Elle n’est pas intellectuelle. Elle est politique face à la misère et à l’oppression.
L’imaginaire appelle toujours à la divergence par rapport au réel. Mais il peut se décliner très diversement. Et aujourd’hui la question qui se pose à l’artiste que je suis, c’est de repérer, déchiffrer et formuler cet imaginaire qui nous appelle. Pour moi, cet imaginaire est éthique. C’est celui d’une éthique planétaire. Il est donc politique. L’imaginaire n’est pas un ensemble d’images nouvelles, surprenantes, qu’on devrait donc toujours juger surréalistes. Nous vivons, pensons, interprétons le monde avec des mythes et des images anciens, ancestraux. L’imaginaire est ne nature conservateur, rarement révolutionnaire. Les images créées par les révolutionnaires sont le plus souvent d’une esthétique populaire traditionnelle. On l’a vu en Russie, lors des affiches de Mai 68, en Chine, à Berlin. Et dans la civilisation arabe, il n’y a précisément pas d’images; pas même des calligraphies inédites.
L’imagination au pouvoir n’était pas un slogan pour donner le pouvoir à des images. L’imaginaire, sauf exceptionnellement, dans le cas du surréalisme, qui a pratiqué le collage d’images, n’est pas une quête d’images, pas un enjeu d’images, mais une pensée divergente face au réel. On s’est raconté bien des histoires erronées à propos de l’imaginaire!
Alors pourquoi parle-t-on d’imaginaire et pas simplement de divergence, de rupture par rapport aux fonctionnements humains réalistes? D’ailleurs les Situationnistes qui ont inspiré Mai 68 dénonçaient les images et leur spectacle, pour prôner le retour aux situations réelles, aux expériences concrètes, au principe de réalité. A suivre…
Hervé Fischer