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La déchirure des œuvres d’art

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Arnaud Fischer 108166011 009 CORR
La destruction de ma production artistique en 1972 était bien ce qu’on appelle un geste sacrificiel. Je l’ai vécu comme tel, comme une purification. Mais ce fut aussi et surtout un geste libératoire de tous les stéréotypes de l’art dont je voulais m’affranchir en faisant table rase. Détruire pour créer. Et la campagne que j’ai appelée «prophylactique» et d’«hygiène der l’art», que j’ai alors lancée  en adressant par la poste cet appel  au fichier d’artistes que j’avais constitué, visait à partager cette démarche et à mettre en évidence l’ambiguïté des sentiments que les autres artistes de mon époque pouvaient entretenir avec leurs œuvres. Ils en faisaient  certes la légitime diffusion et promotion. Mais 350 d’entre eux répondirent à ma proposition – ce qui semble évidemment contradictoire – et m’envoyèrent ou m’apportèrent des œuvres pour que je les détruise en en présente des débris dans des sachets hygiéniques étiquetés dans une exposition qui circula à partir de 1974 en commençant par la galerie Stadler à Paris, puis ailleurs en France, en Italie et au Canada. Elle se trouve depuis dans les collections du Centre Pompidou. Le geste était donc pour moi, non pas tant une démarche iconoclaste nihiliste, qu’un préalable à la liberté de création dont je ressentais le besoin avant de m’engager davantage dans l’art sociologique. Pour ceux qui y ont répondu, ce fut peut-être un petit geste mondain, mis en évidence du point de vue sociologique qui m’importait, mais qui ne manquait pas d’assumer un trouble réel.