Publié le

Art et philosophie, définitions, historique des oppositions et des liens

Arnaud Fischer art%2Bphilo

On définit communément et de façon assez pérenne la philosophie comme la recherche critique de la vérité. Cette recherche se base elle-même sur la définition des notions telles que l’être, la pensée, la conscience, le sujet, l’objet, la raison, la causalité, la perception, le bien, le mal, la liberté, le beau, et sur les liens rationnels que l’on peut établir entre eux. La philosophie présuppose la croyance dans la légitimité du rationalisme.
La définition de l’art, au contraire, a beaucoup évolué historiquement et varié selon la diversité des sociétés. Originellement liée à la magie, puis à la religion, l’art occidental a incarné successivement les idéologies classique, romantique, moderne, avant-gardiste, postmoderne et connu des changements, des polémiques et des crises de plus en plus profonds et rapides, au point de voir sa légitimité remise en question. L’art actuel semble rejeter le système même des beaux-arts au bénéfice d’un art numérique répondant à une esthétique, des critères et une fonction sociale radicalement différents.
Les liens entre philosophie et art ont évolué conséquemment. Depuis Platon, la philosophie a tendu à rejeter l’irrationalisme de l’art, ses inspirations imaginaires, au nom de la raison et de l’histoire (Hegel, Auguste Comte), tout en consacrant un chapitre de la philosophie à l’esthétique (Hegel, Kant, Schelling). Les romantiques ont opposé, à leur tour, radicalement l’inspiration, l’irrationalisme et la sensibilité de l’art à la sécheresse de la logique rationnelle. Nietzsche, après avoir souligné l’antinomie entre la rigueur apollinienne et l’ivresse dionysiaque, a été cependant le premier à remettre en question la recherche de vérité de la philosophie et à réhabiliter conséquemment l’art comme un mode de connaissance alternatif. En ce sens, il a été le premier philosophe postmoderne.
Depuis lors, la remise en question du positivisme et la crise radicale du postrationalisme aidant, beaucoup de philosophes admettent que l’art soit un objet et même un mode de connaissance légitime. Le rapprochement entre l’art et les sciences humaines (psychologie, psychanalyse, sociologie, linguistique, mythanalyse), puis dures (mathématiques, informatique) a rapproché aussi l’art de la philosophie elle-même.
Un certain épuisement en art de l’invention esthétique et la prise en compte grandissante des enjeux éthiques, une conscience de plus en plus aigue du rôle que peut jouer l’art dans les débats sociaux, le retour, après le nihilisme postmoderne, à l’engagement volontariste altermondialiste, m’ont conduit moi-même à rejeter l’opposition séculaire entre art et philosophie et à opter pour un art philosophique.
Hervé Fischer