Le pixel numérique est une matière picturale. Autant ou aussi peu que les pigments de peinture à l’huile, acrylique ou à l’eau. Il est mêmeaussi fluide. Il tache tout autant l’écran que le pigment la toile ou le papier. Il se répand aussi. Il faut souvent nettoyer.
C’est l’expérience que j’en ai.
Et peindre avec des pixels évoque aussi pour moi la pratique de la gravure si linoléum. Avec la gousse, on enlève de la matière. Avec le gomme cathodique, on enlève les pixels. La trace est la même, le geste très semblable. Avec cette différence qu’on peut annuler un geste dont on n’est pas satisfait, et même remettre de la matière.
Cette peinture cathodique est l’exemple même des beaux-arts numériques sur lesquels j’insiste si souvent. Avec le numérique, je peux explorer, chercher, substituer, esquisser plus facilement et plus vite. Je peux choisir mes couleurs, dessiner avec une bonne boîte à outils et une large palette. Et je peux reproduire et diffuser à tout moment en ligne. Mais l’inconvénient, c’est l’éphémérité. Lorsque une peinture numérique est achevée, j’aime donc la reprendre à la peinture sur toile, pour lui donner une chance de perdurer. Mais aussi, parce que cette reprise devient aussi immédiatement une recréation, à une autre échelle, avec des couleurs en tubes différentes, et que cette reprise me conduit toujours ailleurs sur d’autres options créatrices.
Ci-dessus un livre à la fraise, comme une crème glacée. Un travail en cours, stocké sur mon disque dur.