Catégorie : Centre Pompidou
Marcel Duchamp, urinoir, inceste et peinture
Le Centre Pompidou présente actuellement une remarquable exposition « Marcel Duchamp. La peinture même ». On y découvre notamment plusieurs peintures de Duchamp que je n’avais jamais vues. Jean Clair, même s’il avait outrepassé le projet de Pontus Hulten de montrer au Centre Pompidou en 1977 le Marcel Duchamp de l’urinoir, initiateur de l’anti-art du XXe siècle, avait eu pleinement raison de mettre en évidence l’ambiguïté de Marcel Duchamp. Son cas n’était pas si simple qu’on l’a prétendu et sa complexité ne peut se réduire à des ready-made. Il a gardé, comme le souligne Jean Clair, un amour certain pour la peinture toute sa vie. Et il me semble, en effet, que sa dernière oeuvre « Etant donnés: 1) La chute d’eau 2) Le gaz d’éclairage », réalisée secrètement de 1946 à 1966 pour être présentée au Philadelhia Museum un an après sa mort, est certes une installation en trois dimensions, mais dont la mise en scèene est celle d’une peinture classique, quasiment de la Renaissance. Le point unique de vision à travers un minuscule trou dans une porte en réduit d’ailleurs la tri-dimensionnalité à une vision frontale fixe.
Cette peinture érotique dont la vue était donc interdite au public par Duchamp jusqu’à un an après sa mort, n’est pas seulement la preuve de l’obsession cachée pour la peinture du Marcel Duchamp que l’on avait identifié un peu rapidement à l’urinoir et qui en nie le bien-fondé avec cette oeuvre finale de style néo-classique. Elle est aussi à mes yeux la preuve d’un autre secret de Duchamp, celui-là jamais avoué de son vivant, mais dont j’ai tenté de démontrer l’évidence dans mon livre « L’Histoire de l’art est terminée » (Balland, 1981): les rapports incestueux de Marcel Duchamp avec sa sœur Suzanne. Le sujet est apparemment tabou, puisque personne ne l’a relevé depuis la publication de mon livre. Mais je maintiens qu’entre autres détails significatifs, non seulement le titre même de « La Mariée mise à nu par ses célibataires, même », mais cette peinture finale « Etant donnés… » intitulée explicitement avec de fausses circonstances insignifiantes qui ne sauraient justifier l’érotisme bien réel du nu les jambes ouvertes, est l’évocation de cet inceste secret qui n’a pas quitté sa mémoire tout au long de sa vie. Il en fait ainsi l’aveu, qui ne devait être révélé publiquement qu’après sa mort. Deux amours secrets donc, la peinture et l’inceste, tous deux soigneusement cachés et réunis dans une seule et même oeuvre testament, qui est d’une toute autre nature que la provocation simpliste de l’urinoir appelé ironiquement « Fontaine »!