Les couleurs du marchand de glaces – et des fichiers numériques. Manger les couleurs.
Auteur/autrice : Herve Fischer
L’argent
Première exposition, MNBA, Buenos Aires, 2003. Ces variations boursières du NASDAQ, prises dans le Wall Street newspaper, peintes en même temps que Le monde comme il va, traite du paysage financier, qui est devenu notre nouvelle nature. Les couleurs, subjectivement choisies, expriment cette sensibilité financière à laquelle nous sommes tous inévitablement soumis, dans une esthétique quantitative. Elles renforcent aussi la métaphore du paysage de montagne qui traduit les hauts et les bas de ces variations.
Le mythe/art
Art is Myth, Myth is Art, même création divinatoire, même pratique fabulatoire de l’humanité en quête d’elle-même. Qu’il s’agisse de la célébration des mythes fondateurs d’une société, de dieux, de l’homme, de la nature, de réalisme, abstraction, cubisme, suprématisme, constructivisme, surréalisme, nécessité intérieure ou magie numérique, qu’il s’exerce dans l’architecture, le théâtre, la musique, la littérature, la philosophie, la danse, la performance ou la peinture, l’art toujours invoque le mythe suprême de la création divine ou en décline les grands récits humains qui assurent l’incarner. Et lorsqu’il s’interroge lui-même et la société qui le célèbre, l’art sociologique devient mythanalytique.
Le mythe/art n’est pas une nouveauté. Il plonge le regard dans l’archéologie du présent autant que du futur, et j’en ai parlé dès 1979 lors d’une performance au Centre Pompidou où j’annonçais que « l’Histoire de l’art est terminée ».
Le drapeau américain
Peinture et mythanalyse
Cette femme bleue qui s’en va, ces têtes de mort que je dévisage et qui prennent des couleurs de crème glacée, à l’opposé de toute morbidité, marquent un moment longtemps mûri, de libération. La mort n’inhibe plus la vie. Un cheminement qui a pris cinq dizaines d’années, qui est passé, depuis 1970, par la déchirure et l’hygiène de l’art, l’art sociologique, les signalisations imaginaires, la Pharmacie Fischer, le bureau d’identité imaginaire, le développement du concept de mythanalyse, abordé dans le dernier chapitre de « L’Histoire de l’art est terminée ».
Une réflexion théorique publiée en 2000: « Mythanalyse du futur » et poursuivie dans une série de livres portant sur l’imaginaire du numérique : « Le choc du numérique », « CyberProméthée », « La planète hyper », élargie avec « Nous serons des dieux », « La société sur le divan », « Québec imaginaire et Canada réel ». D’autres livres vont paraître, qui attendent chez l’éditeur.
Abordant les codes de couleur saturée de la société actuelle dans une série de peintures que j’ai appelées « chromos », je peux m’aventurer maintenant dans un déchiffrage plus diversifié des imaginaires sociaux que je ne l’ai fait jusqu’à présent, alors que je peignais les icônes du numérique. Cette peinture mythanalytique va explorer nos mythes actuels et, bien entendu, leur résonance dans l’inconscient individuel. La peinture offre des voies de révélation intuitives qui s’arriment à l’analyse conceptuelle, l’élargissent, la nourrissent et en renforcent la vertu thérapeutique que j’attribue à la mythanalyse, et qui passe non pas par le divan, mais par la toile.