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Les grands vieux tableaux des églises

Arnaud Fischer eee
Les vieux tableaux des églises, tweet art, 2015

Lorsque je jette un coup d’œil sur ces grands tableaux qui ornent les vieilles églises, dans les chapelles latérales au-dessus des autels, au-dessous des vitraux, entre les colonnes, dans la sacristie, je revois cette époque où les artistes vivaient principalement des commandes des évêques. Ils avaient beaucoup de métier; ils étaient payés pour réaliser d’immenses formats et ils devaient avoir déjà fait preuve de grands talents d’artisan peintre dans les ateliers de maîtres reconnus. Mais les commandes étaient toutes religieuses et soumises à des modèles obligatoires. Tous ces immenses tableaux sont aujourd’hui plongés dans l’obscurité des bitumes, des clair-obscurs et envahis de gammes brunes, comme par un champignon terni, et assombris par l’âge.

Mais lors même de leur création, ils ne devaient certainement pas être colorés joyeusement. Les scènes convenues sont larmoyantes; elles évoquent les saints martyrs, les drames doloristes du christianisme. La peine, le chagrin, le péché, la pénitence, la souffrance étaient omniprésents pour appeler à la piété des fidèles et faire ressortir la gloire de Dieu, du Christ et de la Vierge. Même les auréoles sont ternies.De toute façon, nous ne les regardons même plus, ces tableaux qui ont exigé des heures innombrables de travail et des talents accomplis. Nous ne prenons aucune peine pour déchiffrer ces grands rectangles bruns foncés, qui évoquent de vieilles peaux de gibier défraîchies et asséchées par le temps, qui ont perdu toute couleur et toute forme, à moins qu’ils ne soient signalés avec insistance dans les guides touristiques. Et tous ces maîtres qui s’étaient dévoués à la réalisation de leurs chefs-d’oeuvre sont devenus anonymes. Leurs noms se sont effacés avec la brunure des temps, comme leurs tableaux. Moi-même, je regarde davantage la texture des pierres et leur appareillage, ou la courbure des voûtes que ces tableaux obscurs.J’évite même d’y plonger le regard, toujours déçu, toujours déprimant à l’idée de tant de travail et d’habileté consommés pour ce qui n’est aujourd’hui plus qu’une trace salie de l’âge.Je remercie Dieu de n’avoir pas été peintre à cette époque…