Description
A l’heure de la mondialisation, l’auteur dénonce l’emprise des capitalistes sur la diffusion et le marché de l’art qu’il assimile au pouvoir monopolistique de Hollywood sur le cinéma.
L’art et l’argent constituent une configuration mythique aujourd’hui triomphante. L’art a toujours été lié au pouvoir, à sa légitimation ou, dans les moments de rébellion, à sa contestation. Les rois, les papes, les chefs de guerre, les marchands et aujourd’hui les spéculateurs n’ont cessé d’utiliser l’art pour asseoir leur pouvoir. Le capitalisme a pris la relève des grands systèmes de pouvoir précédents. Il est devenu l’algorithme des relations sociales, leur structure même et leur mode opératoire. On peut le déplorer, mais ce système est moins détestable que ne le furent les pouvoirs sans limites des religions et des dictatures armées.
Il est logique que les collectionneurs les plus puissants se construisent à eux-mêmes des musées pour y exposer leurs icônes, comme jadis les religions construisaient des temples à leurs dieux et appelaient les meilleurs artistes à les embellir. Certes l’art actuel de ces nouveaux musées privés qui se multiplient n’a plus la valeur pédagogique des vitraux et des peintures de jadis, qui illustraient le catéchisme pour le peuple analphabète. Compréhensible aux seuls initiés, l’art d’avant-garde apparaît au grand public comme un mystère qui renforce l’aura des grands prêtres du capitalisme.
Rien de bien nouveau donc, en termes de mythanalyse des rapports entre l’art et le pouvoir. Il en a toujours été ainsi. Leur déclinaison actuelle, nous l’appelons le « market art », un art créé par des artistes experts en marketing, capables de concevoir des produits ajustés aux exigences du marché spéculatif de l’art. Le market art se renforce en s’appropriant aussi à coups de dizaines de millions des œuvres d’artistes antérieurs, jadis célèbres ou, mieux encore, misérables comme Gauguin ou Van Gogh mais dont le capitalisme triomphant reconnaît la valeur avec des records d’enchères. Jeff Koons achète des peintures anciennes avec les millions de la vente de ses inflatable rabbits and dogs (une judicieuse assurance pour l’avenir de sa fortune personnelle).Cette alchimie contemporaine qui permet allègrement de changer l’art en argent et vice-versa n’est-elle pas plus rationnelle et plus productive que l’ancienne alchimie qui s’entêtait à transmuter le plomb en or?
Ceux qui s’en offusquent et qui dénoncent ce market art devraient plutôt se réjouir de voir aujourd’hui le capitalisme qu’ils déclarent honnir rendre un tel hommage à l’art qu’ils veulent eux aussi adorer? Dans tous les systèmes sociaux l’art a joué un rôle fondamental, à la mesure du puissant mythe de la création qu’il incarne. Le capitalisme lui aussi n’est-il pas devenu « créateur »? La Banque Fischer en atteste et bat monnaie en son nom.
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