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Le progrès en art et dans la société

L’évolution de la société change l’art. Ls sociologie de l’art le démontre. Mais nous croyons aussi que l’art change la société. C’est le fondement de l’art sociologique. 

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Comment pouvons-nous dès lors postuler qu’il n’y a pas de progrès en art, alors que nous croyons fermement au progrès global, humain de la société?
Parce que ce sont deux évidences aussi fortes l’une que l’autre, malgré des creux historiques et des moments chaotiques, voire de terribles reculs. Sisyphe est un volontariste, optimiste obstiné !

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Hervé Fischer et l’art sociologique au Centre Pompidou

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Centre POMPIDOU  bilan officiel 2017

    http://bilan-activite-2017.centrepompidou.fr/

  • Les expositions majeures (« David Hockney », « René Magritte. La Trahison des images », « Cy Twombly », « Walker Evans », « André Derain », « Hervé Fischer et l’art sociologique », « Nalini Malani. La rébellion des morts, rétrospective 1969-2018 », « Les 10 ans du prix Guerlain »,
HERVÉ FISCHER ET L’ART SOCIOLOGIQUE
Galerie du Musée
Commissaire : Sophie Duplaix
15 juin 2017 – 11 septembre 2017
Le Centre Pompidou a consacré une exposition à l’œuvre du franco-canadien Hervé Fischer. Artiste, sociologue, penseur, chercheur, Hervé Fischer, à partir de son concept d’art sociologique initié dans les années 1970, questionne aujourd’hui les technologies digitales. En trois volets, cette exposition s’ouvrait sur l’œuvre de l’artiste du début des années 1970 jusqu’au milieu des années 1980, puis explorait son travail de la fin des années 1990 à aujourd’hui, et se terminait sur les pratiques numériques et une réflexion autour de leurs nouveaux usages. 
L’exposition a accueilli 189 000 visiteurs.

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PAUL REBEYROLLE, vue par Florence Alonzo

Paul Rebeyrolle ou la beauté de l’effraction.

Exposition monographique de Paul Rebeyrolle, au Domaine national de Chambord
Arnaud Fischer Hommage a Courbet III.115x146cm 7febf

« Paul Rebeyrolle, © ADAGP, Paris 2012 ».
L’Hommage à Courbet n°3 1993 Technique mixte sur toile 146×174 cm ©Michel Nguyen Collection Laurence et Jean-Pierre Courcol
Il y a des univers qui dérangent, des formes éventrées, des corps sans peau dont on voit l’ossature, du sang. Il y a ces cris des suppliciés que l’on devine et que l’on entend presque. Il y a ses baignoires pleines, ses fauteuils de juges, cette nourriture si terrestre, ses seins, ses fesses, ses culs de singe… Il y a ce point de vue qui déchire la réalité et qui jamais ne la représente. Il y a ces mises en scène de la loi, de la torture, de l’enfermement, de la nature, de l’amour. Il y a cette palette de couleurs si douce, sans aucune complaisance, sans jamais de satisfaction.


Voir en ligne : www.espace-rebeyrolle.com
Il y a cette grandeur pour dénoncer la l’étroitesse d’une société qui a asservi l’homme à ses convenances. Il y a cette animalité sans laquelle l’homme ne sera pas homme. Il y a ces distorsions de corps, ces conglomérats de matière, cette vermiculite chargée de colle, ces grillages. Il y a surtout cette lumière dont Chambord, la royale presque pâlit. C’est au deuxième étage du château, sous les voûtes à caissons Renaissance que le Domaine national de Chambord, sous la direction de Jean d’Haussonville, a ouvert ses portes jusqu’au 23 septembre 2012 à l’un de nos plus grands peintres de la seconde moitié du XXème siècle.
C’est en effet la première grande exposition monographique de Paul Rebeyrolle organisée depuis l’exposition de 1979, au Grand Palais, à Paris. Plus de cinquante œuvres, sur près de 900 m2 d’exposition, magnifiquement orchestrées par l’œil expert de Jean-Louis Prat, directeur de la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence pendant 35 ans.
Paul Rebeyrolle est né en en 1926 à Eymoutiers en Haute-Vienne. De son enfance, meurtrie par la maladie : son état de santé nécessite une immobilisation totale pendant cinq ans, il gardera les paysages champêtres, les arbres, les animaux, la terre Limousine. Ses parents, instituteurs de la République lui apprennent à lire. Il dessine et veut devenir peintre. A l’âge de 18 ans, il monte à Paris par le « premier train de la Libération ». Il parcourt les galeries : Soutine, Picasso. Il découvre le Louvre en 1947, quand le musée ouvre à nouveau ses portes. Révélation des Vénitiens, des Rubens, des Rembrandt… Il s’engage, devient membre du Parti Communiste qu’il quitte en 1956 à l’invasion de la Hongrie et en réaction à la position ambiguë du PC face à la guerre d’Algérie. Engagé, il le restera toujours. Son arme est picturale. « Pour revenir à une notion simple, je me bats contre le décoratif, tu l’as senti, parce que je crois que la peinture, c’est le décoratif plus autre chose. C’est cet excès qui compte. Il faut qu’un tableau soit non seulement un beau et bon tableau, mais surtout qu’il aille au-delà du beau et du bon, avec une portée paroxystique qui t’empêche d’aller tranquillement sur des sentiers battus ou des demi-mesures » Propos de Paul Rebeyrolle recueillis in Paul Rebeyrolle la peinture hors normes, conversation avec Francis Marmande, 2009 Musée des Beaux Arts de Valenciennes.
En 1967, il utilise déjà son procédé d’insertion d’objets à la surface même de la toile. Il y intègre les matières du monde. « De ces amalgames surgissent des images qui affirment la résurrection de la matière, par la même de la peinture. » Jean-Louis Prat Les corps à corps de Rebeyrolle in catalogue de l’exposition, p.13.
Paul Rebeyrolle n’avait aucun carnet de croquis. Il ne travaillait qu’à la mémoire visuelle. Sur les huiles, les colles, les essences, les acétates, Francis Marmande, professeur de littérature à l’Université Paris-Diderot et ami du peintre, nous rappelle que Paul Rebeyrolle était « intarissable ». Travailleur infatigable, il aimait à retrouver son atelier de Boudreville en Bourgogne tous les matins : « Il faut qu’il y ait une joie de peindre ». Pourtant Paul Rebeyrolle nous malmène. Ses grands formats nous obligent à voir une réalité, un système par trop « autofage ». Ils nous déroutent, abattent nos conformismes, nous obligent presque à détourner les yeux, tant certaines scènes sont violentes « Suicide n° 3 » , « L’Agression », « Les Magistrats II » (1990), « Aliénation totale » ou « Nu aux ecchymoses » (1980) : « Il faut que la peinture alerte » se plaisait-il à dire …mais le souvenir d’un bleu outrancier, l’éclat d’un rouge sang, la présence d’un jaune mimosa, la violine d’un grain de raisin nous ramène à la toile.
Dès 1968, il peint un cycle de séries. Chaque titre, reflet de ses engagements, est une « Splendeur de la vérité » : « Faillite de la science bourgeoise » (1973), « Natures mortes et pouvoir » (1975), « Les Evasions manquées »(1980-1982),« Le Sac de Madame Tellikdjian »(1983-1984) , « Les Panthéons » (1990-1991), « A propos de Courbet » (1993), « Bacchus » (1998), « Le Monétarisme »(1999) pour n’en citer que quelques uns. Peintre de la monstruosité de notre civilisation, sans aucune concession, Paul Rebeyrolle brise les clôtures, fracture, pénètre les domaines réservés de la loi et ses « Magistrats » (1991), série « Les Panthéons » Peinture sur toile, Technique mixte (275 x 275 cm), se délectent, assis confortablement dans de larges fauteuils noirs, tandis qu’un pauvre bougre se débat dans une baignoire de jugements. Légitimité éventrée.
Peintre de la faune : vache rouge, sanglier gris, carpe, lapin…peintre de la terre, de la Nature, dont il saisit la vérité en osant le silicone. « Un arbre » (2000) Peinture sur toile, Technique mixte, (300 x 140 cm). Peintre du grotesque, du monstrueux, de la « furor » des hommes, de la volupté aussi avec sa « Véronique 2 » (1994) série « Splendeur de la Vérité », Technique mixte sur toile (284 X 175 cm) femme debout tout en sein, en ventre, en ovaires laiteuses ; avec son « Hommage à Courbet n° 3 » (1993), Technique mixte sur toile (146 x 174 cm). Ventre offert, cuisses ouvertes, la femme écarte les poils de son pubis noir pour mieux montrer son clitoris. Chair de l’origine. Caresse du sublime.
Paul Rebeyrolle, « Le plus grand peintre de la chair en son temps. Ecchymoses comprises » Francis Marmande, Rebeyrolle au javelot in Catalogue de l’exposition p.67
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Théorie de l’art sociologique

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Mais qui donc a « inventé l’art sociologique »?
C’est bien moi, quoiqu’on ait pu dire autour de moi. Alors (1971) artiste et assistant en sociologie de l’art à la Sorbonne-Paris V, c’est moi qui ai imposé ce concept d’art sociologique en retournant le concept en toute logique, qui en ai écrit la théorie complète et inventé des pratiques, d’abord et avant tout pour moi seul. J’étais immergé dans les livres de Pierre Francastel, Lucien Goldmann, Ernst Fischer, l’École de Francfort, Marcuse, l’Internationale situationniste et Guy Debord, dans la sociologie de l’art autant que dans ma quête artistique personnelle. C’était le centre de mes pensées, la raison de la déchirure de mes propres oeuvres, de mon hygiène de l’art. Je ne voyais pas comment enseigner la sociologie de l’art sans l’appliquer à ma propre démarche artistique. Cela n’aurait eu aucun sens pour moi. Cela aurait été totalement contradictoire. Et en même temps, cela me paraissait audacieux, un peu vertigineux, radical, difficile à faire accepter dans une idéologie générale idéaliste et obsédée d’avant-garde, plus soucieuse d’inventer une idée que de comprendre son lien avec la société et la « réduire » ainsi à l’opposé du lyrisme avant-gardiste. Je ressentais ma solitude lorsque je parlais plutôt, quant à moi, de pédagogie, de participation sociale créatrice, de démarche interrogative, de « travaux socio-pédgogiques ».
François Pluchart a évoqué une sensibilité sociale ou sociologique; provoqué, Bernard Teyssèdre a reconnu par écrit n’avoir pas inventé l’art sociologique et Pierre Restany n’a jamais imaginé en revendiquer une quelconque paternité, même s’il en a soutenu activement et généreusement les pratiques. 
Ce ne furent pas davantage les deux autres membres du collectif d’art sociologique, auxquels j’ai proposé en 1974 ce concept puis celui de l’École sociologique interrogative – située dans le sous-sol de ma propre maison boulevard de Charonne, Paris XIe -, concepts qu’ils ont adoptés immédiatement, en un moment de bonne entente, parce que cela correspondait alors assez bien à leurs démarches, mais qu’ils n’avaient jamais employés avant. 
Affligé, je suis resté silencieux depuis leur sabordage de l’École sociologique interrogative à laquelle je tenais tant, en 1982, sans même répondre à leurs communiqués agressifs diffusés internationalement et malgré bien des abus déclaratoires de leur part depuis (parfois très irritants), car je ne voulais pas m’engager dans des polémiques indignes. Écoeuré, j’ai même émigré au Québec, pour ne plus penser à eux et passer à autre chose: les arts numériques, en créant la Cité des arts et des nouvelles technologies de Montréal en 1985. 
Mais  cela fera bientôt cinquante ans que j’ai engagé  ma pratique d’art sociologique. Et il est temps que je parle. Cela doit être dit publiquement. 
C’est fait. 
J’ai eu une très longue patience, mais je me devais à moi-même (et non aux autres) de le dire un jour clairement et sans ambages, car mon silence pourrait être interprété contre moi. Ce sera mon hygiène de l’art rétroactive. 
Certes, ce n’est pas une grande affaire que d’avoir conçu un concept artistique aujourd’hui encore si peu reconnu. Beaucoup d’autres artistes du moment s’y seraient d’ailleurs volontiers associés sans se battre avec des propriétés intellectuelles. Je ne suis pas assez vaniteux pour en tirer beaucoup d’orgueil. Je l’ai démontré depuis tant d’années. J’ai même interrompu ma démarche pendant 15 ans, demeurant en réflexion de 1984 à 1999. 
Mais ce qui me décide aujourd’hui, c’est d’observer de plus en plus clairement le discrédit d’une dérive média-médio-cratique qui est menée au nom d’un art sociologique que je ne reconnais plus, à l’opposé de ce que j’ai théorisé. 
Si le Centre Pompidou a voulu que ma rétrospective soit titrée avec l’art sociologique, c’est évidemment parce que ma démarche est apparue comme fondatrice, en rupture avec l’air du temps des années 60-70, et que c’est en cela qu’elle était significative. Et c’est bien ainsi que je l’ai vécue, que j’y ai consacré ma vie, que j’ai construit ma vie, comme il ressort clairement de l’expo: elle raconte ma vie, la vie d’un sociologue engagé dans la sociologie, jusqu’à lui trouver un développement nécessaire dans la sociologie des imaginaires sociaux: la mythanalyse.

« … um die grauen Gewölwe Streifen rötliche Flammen dort, Verkündende, sie wallen geräuschlos auf. » (Hölderlin, Des Morgens). 


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HYGIÈNE DE L’ART

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La déchirure des oeuvres d’art (1971-1974) a été, comme la performance et le livre L’histoire de l’art est terminée (1979-1981), une démarche radicale d’hygiène de l’art opposée aux stéréotypes convenus de l’art et à la mode exacerbée de l’avant-gardisme. Personne ne semble avoir pris conscience que c’est le même geste déclaratoire et collectif, en deux temps. Il me fallait me nettoyer l’esprit, faire dans la mesure du possible table rase, pour retrouver la liberté de mon propre chemin critique et ma démarche interrogative participative, que j’ai appelé l‘art sociologique.
Toute ma vie, c’est cette liberté mentale que j’ai recherchée et qui seule m’a permis de construire ma vie, ma démarche d’artiste et de fonder la mythanalyse.

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Barthélémy Toguo Strange Fruit ou Allégorie du Blood on the root

Résonnances Africaines d’un cahier, retour au pays de la Ségrégation dans le sud des Etats Unis
Arnaud Fischer Expo B. Toguo Vue 3 9010e

Vue d’exposition
Six mois après sa nomination au prix Marcel Duchamp, Barthélémy Toguo présenta du 12 octobre au 25 novembre 2017 un ensemble d’œuvres réalisé pendant l’été 2017 à la galerie Lelong de la rue de Téhéran à Paris. Strange Fruit est l’évocation d’une chanson rendue célèbre par Billy Holiday : « Southem trees bear strange fruit Blood on the leaves and blood on the root Black bodies swinging in the southem breeze Strange fruit hanging from poplar trees. »
« Les arbres du sud portent un fruit étrange Du sang sur leurs feuilles et du sang sur leurs racines Des corps noirs qui se balancent dans la brise du sud Un fruit étrange suspendu aux peupliers »


Voir en ligne : https://www.barthelemytoguo.com/
Une face rouge. Une face noire. Musique. Southem trees bear strange fruit. Mélodie silencieuse dans laquelle on entend des cris. L’installation de Barthélémy Toguo n’a pas de bande son. Délectation. Quand la chaleur se tait, écrasante, faisons silence par respect à ces hommes, femmes et enfants noirs dont le destin a été de se lever un noir matin et d’avoir été tués parce qu’ils portaient la couleur de l’obscurité blanche. Black bodies.
Le sang qui coule dans nos veines est rouge, comme la face B du vinyl de Billie Holiday, pendue aux arbres, branchages reconstitués par l’artiste qui n’a de cesse de dénoncer la prolifération des violences racistes à travers le monde. Des corbeaux de laiton sont perchés sur les branches. Or. Charognes. Les fruits de ces arbres morts sont des dessins. Cordes de pendus. Who is the true Terrorist ? Ce dessin de Barthélémy Toguo date de 2010. Main fermée, poing levé, ensanglanté. Cette encre sur papier nous rappelle que l’engagement de Barthélémy Toguo ne date pas d’aujourd’hui. Black bodies swinging in the southem breeze. Strange fruit hanging from poplar trees.
Notre ventre est écartelé par la souffrance, déchiqueté par la violence de ces crimes commis par les états ségrégationnistes du sud des Etats-Unis d’Amérique. Corps noirs lynchés. Anonymes à l’encre rouge dessinés. Et la mélodie de cette chanson interprétée par Billy Holiday semble resonner dans l’espace, accompagnée par les chants des esclaves de cotons. Percutions de l’Afrique ancestrale. Le rossignol s’est tu. Le sang rouge des hommes coule sur notre front. Le regard cherche une échappée. Fruit. Trees in the southem breeze. Poplar trees.
Le buste d’Ida B Wells, journaliste afro-américaine est au cœur de l’installation. Laiton. Couleur Or. Son combat : la lutte contre la ségrégation et le lynchage. Méconnue en Europe, née en 1862, morte en 1931, son livre Les horreurs du Sud n’a été traduit et édité à Genève qu’en 2016.
Quelles sont les armes des meurtriers ? Revolvers. Chaise électrique. Chiens aux crocs acérés à la langue pendante. Où sont les maîtres ? Au nom de quoi ont-ils commis ces crimes ? Et cette question posée par l’artiste lui-même : Who is the true Terrorist ? revient lancinante comme un nouveau refrain à la chanson de Strange Fruit. Et nous restons figés, pétris d’effroi face à cette beauté qui jaillit de l’inéfable, de l’insupportable tragédie. L’exposition de Barthélémy Toguo est une allégorie qui ne nous laisse indemne. Rien n’est inéluctable dans une tragédie.

++INFO++
Strange Fruit de Barthélémy Toguo Galerie Lelong 13 rue de Téhéran 75008 Paris du 12 octobre au 25 novembre 2017
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collection du Museo Nacional de Artes Visuales de Montevideo, Uruguay

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Nº de Inventario4822
TítuloLe temps qu’il fait
AutorHervé Fischer (1941)
TécnicaAcrílico
SoporteTela
Medidas102 x 120 cm
Realizado2004
Ubicación: Museo Nacional de Artes Visuales
ExhibiciónNo

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TítuloLe temps qu’il fera 
AutorHervé Fischer (1941) 
TécnicaAcrílico 
SoporteTela 
Medidas102 x 120 cm 
Realizado2004 
ExhibiciónNo[+]
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Mon rite initiatique de l’art sociologique

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La déchirure ds oeuvre d’art, Centre Pompidou, exposition rétrospective, 2017.
Lorsque j’ai décidé en 1970 de déchirer mes propres peintures, ce que j’ai appelé « la déchirure des oeuvres d’art », puis que j’y ai invité mes contemporains, j’ai reçu quelques 350 oeuvres déchirées ou à déchirer. 


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L’hygiène de l’art, performance de l’artiste, toiles essuie-mains et toiles libres avec empreintes de mains

Simultanément, j’ai insisté sur cette table rase avec ce que j’ai aussi nommé « l’hygiène de l’art ».
Jamais je n’avais entendu parler de « l’hygiène de la vision » dont Pierre Restany m’a entretenu après à propos de Martial Raysse.
Il s’agissait pour moi, d’un rituel de mort et destruction du monde de l’art ordinaire que je connaissais et auquel j’avais participé avec des oeuvres et des expositions, afin de m’en nettoyer l’esprit et de me rendre disponible pour un nouveau rapport à l’art et au monde qui a été ce que j’ai appelé « l’art sociologique ». C’était une pédagogie personnelle, que j’ai partagée dans ce que j’ai appelé des « travaux socio-pédagogiques » et en invitant les autres artistes à me rejoindre dans ce rituel purificatoire de la déchirure des oeuvres d’art.
Ce fut une démarche instinctive. 
C’est longtemps après que j’ai pris conscience qu’elle était comparable à beaucoup d’autres rituels de mort, destruction, putréfaction et renaissance qu’ont institués diverses religions et sociétés  initiatiques, y compris la franc-maçonnerie.
Je n’ai jamais pensé à être franc-maçon, même si je pourrais en partager profondément les valeurs humanistes déclarées, totalement dissuadé d’une telle démarche par les rituels symboliques naïfs et les abus de solidarité entre « frères » requis, qui ne sont pas compatibles avec mon style de vie. Je tiens beaucoup trop à ma liberté individuelle de pensée et de comportement pour cela. Et je n’en ai pas besoin pour suivre mon chemin et mes engagements hyperhumanistes.

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LA TOUR DE BABEL DES BEAUX-ARTS NUMÉRIQUES

Texte publié dans les actes du colloque international Le papier, territoire artistique du métissage à l’ère du numérique, Université du Québec à Trois-Rivières, Unité de recherche en arts visuels – URAV en octobre 2014.

LA TOUR DE BABEL DES BEAUX-ARTS NUMÉRIQUES
Hervé Fischer
Résumé
            Après une prise de pouvoir des artistes numériques condamnant avec superbe l’obsolescence des arts traditionnels (papier, peinture, sculpture), et, en retour de cet anathème, le rejet des arts numériques par les artistes des beaux-arts, le moment est venu de dénoncer une telle rupture. Il n’y a pas de progrès en art. Pour autant, la légitimité des beaux-arts ne dépend pas des médias utilisés, mais de l’actualité des thèmes abordés par rapport au monde numérique actuel, qui nous impose une révolution anthropologique. Avec le numérique émerge une nouvelle Tour de Babel des arts, qui reconnaît la diversité des cultures, même et surtout les plus périphériques, qui tissent les hyperliens nouveaux d’un dialogue interculturel tous azimuts. S’impose donc aujourd’hui une hybridité des cultures et des médias artistiques. C’est ce que démontre l’événement « Le papier, territoire artistique du métissage à l’ère du numérique ».
Introduction
            Attentif aux innovations technologiques, et convaincu de leur importance pour l’avenir, j’ai créé en 1985 avec Ginette Major la Cité des arts et des nouvelles technologies de Montréal.  Comment évaluons-nous aujourd’hui, vingt ou vingt-cinq ans plus tard, ce que nous avions appelé les Images du futur lorsque nous organisions les expositions annuelles de la Cité des arts et des nouvelles technologies de Montréal? Nous avons aimé toutes les œuvres que nous avons présentées. C’étaient des œuvres de pionniers. Ces artistes avaient le mérite d’inventer un art que nous pensions nouveau et je n’en critiquerai pas un seul. Nous découvrions une sensibilité inédite au numérique, une créativité de pionnier inlassable. Puis, en 1992, j’ai lancé le MIM – le Marché international du multimédia-, qui a réuni annuellement des centaines d’entreprises de nombreux pays, des institutions et des artistes jusqu’en 2000, incluant le Sommet de la Francophonie numérique de 1997. En 1995, nous avons ouvert le premier Café électronique au Canada, qui a vu défiler toute l’actualité numérique québécoise, canadienne et souvent internationale jusqu’en 2002. C’était le lieu de rendez-vous des artistes, étudiants, journalistes et entrepreneurs en technologies numériques. Nous y avons organisé d’incessants lancements de nouveaux produits, accueilli des premiers ministres et d’innombrables délégations et équipes de télévision étrangères. Radio-Canada y a tourné une émission pendant trois ans. En 1997, j’ai fondé la Fédération internationale des associations de multimédia, qui organise en­core aujourd’hui de nombreuses activités, notamment avec les agences des Nations unies, et des Sommets mondiaux de l’internet et du multimédia (Montréal, Abu Dhabi, Montreux, Beijing, Shenyang, Fouzo, Chongqing, Shenzhen). Cela m’a valu dans les journaux le sobriquet de « père du multimédia québécois ». En 2000, j’ai été élu à la Chaire Daniel Langlois de l’Université Concordia et y ai conçu le projet de médialab québécois Hexagram.
            En 2007, j’ai fondé à l’UQAM l’Observatoire international du numérique. Après avoir ainsi mené avec ardeur la bataille en faveur des arts numériques depuis maintenant trente ans, souvent à mes dépens, tant les institutions artistiques officielles y opposaient de réticence dans les années 1980, je crois avoir acquis quelque légitimité pour en parler et même pour en proposer une analyse critique. Je reprendrai ici des analyses que j’ai abordées dans L’avenir de l’art (Fischer, 2010).
Les beaux-arts numériques
            Après une prise de pouvoir sur la place publique par les artistes numériques au tournant du millénaire, qui condamnaient avec superbe l’obsolescence prétendue des arts traditionnels (papier, peinture, sculpture), et, en retour de cet anathème, évoquant le rejet des arts numériques par les artistes des beaux-arts, le moment est venu de dénoncer le faux-semblant d’une telle rupture. Car les arts numériques sont des héritiers directs des beaux-arts et ne constituent qu’un genre nouveau comme l’a été l’art vidéo.  Le concept de « beaux-arts numériques » que j’ai proposé reconnaît cette hybridité des médias et cette continuité de la création artistique. Il n’y a pas de progrès en art, ni de média dépassé, ni de nouveaux médias incontournables qui puissent prétendre prendre la place de tous les précédents. Pour autant, la légitimité des beaux-arts ne dépend pas des médias utilisés, mais de l’actualité des thèmes abordés et de leur capacité à se situer par rapport au monde actuel, qui est devenu numérique et nous impose donc une révolution anthropologique fascinante pour les artistes.
            Il est vrai que les arts numériques tendent aujourd’hui à occuper tout le terrain, aussi bien celui de l’image que des installations, de la musique, du théâtre et du cinéma. Ils proposent en outre au public une participation interactive, ludique, qui suscite le même attrait magique que les spectacles de prestidigitation.
            Au-delà des retrouvailles arts/société sous le signe des nouveaux médias, je rêve aujourd’hui aussi d’une autre réconciliation, celle des beaux-arts et des arts numériques, même si cette posture est encore intenable publiquement. Au premier abord, il faut bien l’admettre, leurs différences paraissent irréconciliables. Voici quelques-uns des irritants les plus marquants:
          La création traditionnelle semble s’en tenir à une esthétique spatialiste et frontale des arts visuels, tandis que les arts numériques explorent une esthétique événementielle, multimédia et participative, éventuellement immersive.
          Du point de vue esthétique, nous n’avons pas encore élaboré un nouveau système de concepts qui permette de caractériser et d’évaluer les œuvres multimédias, ce qui ne favorise pas l’émergence de critiques professionnels des arts numériques.
          Les arts numériques sont d’une nature physique radicalement différente de celle des beaux-arts, tant par leurs supports que par leurs modalités d’expression. Ainsi, ils ne sauraient remplacer la sculpture avec des animations 3D, même interactives. Ils proposent autre chose.
          Beaucoup d’artistes du numérique ont le sentiment que la peinture et la sculpture sont des langages épuisés, impuissants à évoquer le monde actuel, qu’ils explorent au contraire, eux, en pionniers audacieux.
          Les beaux-arts étaient individualistes et légitimés par une signature fétiche, alors que les arts numériques sont des créations collectives et pluridisciplinaires.
          Les arts numériques ne créent plus d’objet unique, mais élaborent des processus, des dispositifs immatériels et reproductibles sans distinction d’authenticité; ils sont donc difficilement achetables par les collectionneurs.
          Liés à des technologies complexes, éphémères et fragiles, les arts numériques ne sont pas facilement admis dans les musées, qui n’ont pas les ressources, ni financières, ni humaines, pour les exposer, pour en faire la maintenance régulière, et encore moins pour les conserver. Liés aux technologies sophistiquées les plus récentes et en constante évolution, les arts numériques ne peuvent pas être constamment actualisés du point de vue des équipements électroniques et des langages informatiques qu’ils utilisent.
          Paradoxalement, ils vieillissent mal, et beaucoup plus vite que les arts traditionnels.
          Les arts numériques ne bénéficient ni du financement ni de la diffusion du marché de l’art, ils sont dépendants de la commande publique ou institutionnelle. Une situation qui a ses vertus, mais aussi ses limites idéologiques, esthétiques et financières.
          La création des arts numériques est liée le plus souvent à la possibilité de leur diffusion. Les galeries d’art et les musées boudant cet art dématérialisé, dont la conservation est quasiment impossible, les arts numériques se tournent vers les festivals et les nouvelles formes de spectacle, s’éloignant ainsi de la tradition des arts visuels. Ils semblent donc orphelins et optent pour les industries culturelles qui peuvent les financer et leur offrir un public.
          Les arts numériques sont coûteux et liés aux industries informatiques, ce qui en détourne beaucoup d’artistes pauvres, individualistes ou asociaux, en dépit de leur talent.
          La commande publique ou institutionnelle a tendance à faire dévier les arts numériques vers des modes de communication plus ludique. Ils comptent plus pour leur succès sur la séduction que sur l’exigence et l’effort du public. Ils rejoignent la culture commerciale.
          Les arts numériques à contenu critique deviennent de ce fait improbables. Ils ont peu d’affinité avec la contre-culture et tendent plutôt à se rapprocher des arts grand public et de divertissement.
          Les technologies sont soumises à une exigence incessante de progrès, une valeur qui n’a pas de sens en art. Ce n’est pas la puissance de l’ordinateur qui produit la valeur artistique, bien au contraire le plus souvent! Nous rencontrons donc une sérieuse difficulté en liant la création artistique actuelle au progrès constant des ordinateurs et des logiciels.
Le primitivisme des arts numériques
            Paradoxalement, les arts numériques semblent renouer avec la tradition orale collective, rituelle, éphémère et multisensorielle des arts primitifs, après cinq siècles de réduction de notre civilisation occidentale à une dominante visuelle et spatiale. En parlant de primitivisme, j’entends souligner que les arts numériques réactivent des comportements et des valeurs qui font penser à celles des sociétés tribales. Évoquant d’ailleurs souvent par leurs icônes les masques et les pictogrammes des arts primitifs, ils exploitent la fonction magique archaïque de l’art, ce qui séduit évidemment le grand public.
            Les œuvres médiati­ques se doivent d’être dématérialisées, de dissimuler leurs outils informatiques derrière l’écran ou dans l’obscurité et de n’exposer que des espaces virtuels lumineux. On devrait oublier que Brancusi attachait autant d’importance au socle qu’à la sculpture, que Vostell traitait sculptu­ralement le téléviseur qu’il incluait dans son installation. Il serait même devenu désuet de recourir à des démarches hybrides, telles celles de Nam June Paik ou de Georges Dyens, les sculptures, les installations vidéo et les holosculptures qui s’attachent à lier esthétiquement les deux apparitions, matérielle et virtuelle, concourant à la constitution de l’œuvre. Que signifie donc l’attitude des arts numériques dans cette opposition vindicative qu’ils revendiquent entre matérialité et virtualité? Ce point de vue est d’autant plus étonnant qu’une peinture peut éventuellement éveiller beaucoup plus de spiritualité qu’une immersion dans un monde virtuel, même en trois dimensions et interactif. Du point de vue mythanalytique, il est clair que ce fantasme invoque une opposition de valeurs entre la matière et la lumière, entre le monde d’ici-bas et l’ailleurs immatériel doté d’une prétendue supériorité mentale évocatrice d’une transcendance. Ainsi se poursuit sous le signe du numérique le vieux débat entre le profane et le sacré, le monde d’ici­-bas et le divin. Voilà qui illustre la première des lois paradoxales du numérique que j’ai formulées dans Le choc du numérique: « La régression de la psyché est inversement proportionnelle au progrès de la puissance technologique. Le numérique est un psychotrope technologique » (Fischer, 2001). Plusieurs artistes en ont fait le thème de leur création, telle Diana Domingues, au Brésil, qui crée des installations évoquant la magie afro-indienne primitive (SNAKES et Terrarium). Immersion dans des grottes virtuelles (Caves), évocation, invocation, contrôle à distance, apparitions, métamorphoses, mor­phings, effets spéciaux sans effort: les algorithmes semblent avoir une puissance magique et les interfaces, les consoles de jeu, les écrans tactiles, les capteurs de mouvement, vouloir réveiller des forces mystérieuses.
            Pourquoi alors, devrions-nous rejeter la peinture, le dessin sur papier, alors que l’avenir de l’art se situe dans l’hybridation multimédia. Les oukases du « zéro papier » ou du « tout numérique » sont déjà passées date. Elles n’ont aucun intérêt en art.
            Ce que nous redécouvrons, en abordant les arts numériques, c’est que la peinture déjà était multisensorielle, et en ce sens plus intense que le multimédia technologique, toujours limité. La peinture sait exprimer le mouvement, la vitesse, les sons, et même les odeurs. Elle est mentalement, psychiquement plus interactive que les effets d’une console préprogrammée. Marcel Duchamp disait même que « c’est le regardeur qui fait le tableau ».
La nouvelle Tour de Babel des arts
            Cependant, le numérique a ses vertus propres. Avec lui émerge aussi une nouvelle Tour de Babel des arts, qui reconnaît la diversité des cultures, même et surtout les plus périphériques et en assure la promotion dans un marché de l’art désormais mondialisé. La centralité métropolitaine des centres de l’art contemporain et de son marché s’évanouit progressivement. Les grands musées encore dominants exposent désormais des artistes périphériques, venus de l’Afrique, de l’Inde, du Moyen-Orient, de l’Amérique du Sud, l’art des cultures indigènes. S’impose donc aujourd’hui une hybridité non seulement des médias numériques, mais aussi des cultures qui tissent les hyperliens nouveaux d’un dialogue interculturel tous azimuts, que reconnaissent et même privilégient les anciennes métropoles du marché et les grandes institutions artistiques. Ce mixage a le mérite d’une égalité au moins symbolique enfin conquise entre les cultures. Le multisensoriel n’est pas nécessairement numérique et la dynamique du métissage culturel se joue de plus en plus dans les périphéries de la mondialisation. Voilà aussi ce que démontre cette exposition à l’Université de Trois-Rivières qui réunit des œuvres de papier mais aussi d’écrans et des démarches interindividuelles d’artistes d’Amérique latine et du Québec. Une exposition pionnière qu’il faut saluer et qui va prendre valeur emblématique.

Références
Fischer, Hervé. (2010). L’avenir de l’art, Montréal, VLB éditeur.
Fischer, Hervé. (2001). Le choc du numérique, Montréal, VLB éditeur.

Arnaud Fischer beaux arts%2Bnum%25C3%25A9riques

                                                                       tweet art, 2011