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Théorie de l’art sociologique

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Mais qui donc a « inventé l’art sociologique »?
C’est bien moi, quoiqu’on ait pu dire autour de moi. Alors (1971) artiste et assistant en sociologie de l’art à la Sorbonne-Paris V, c’est moi qui ai imposé ce concept d’art sociologique en retournant le concept en toute logique, qui en ai écrit la théorie complète et inventé des pratiques, d’abord et avant tout pour moi seul. J’étais immergé dans les livres de Pierre Francastel, Lucien Goldmann, Ernst Fischer, l’École de Francfort, Marcuse, l’Internationale situationniste et Guy Debord, dans la sociologie de l’art autant que dans ma quête artistique personnelle. C’était le centre de mes pensées, la raison de la déchirure de mes propres oeuvres, de mon hygiène de l’art. Je ne voyais pas comment enseigner la sociologie de l’art sans l’appliquer à ma propre démarche artistique. Cela n’aurait eu aucun sens pour moi. Cela aurait été totalement contradictoire. Et en même temps, cela me paraissait audacieux, un peu vertigineux, radical, difficile à faire accepter dans une idéologie générale idéaliste et obsédée d’avant-garde, plus soucieuse d’inventer une idée que de comprendre son lien avec la société et la « réduire » ainsi à l’opposé du lyrisme avant-gardiste. Je ressentais ma solitude lorsque je parlais plutôt, quant à moi, de pédagogie, de participation sociale créatrice, de démarche interrogative, de « travaux socio-pédgogiques ».
François Pluchart a évoqué une sensibilité sociale ou sociologique; provoqué, Bernard Teyssèdre a reconnu par écrit n’avoir pas inventé l’art sociologique et Pierre Restany n’a jamais imaginé en revendiquer une quelconque paternité, même s’il en a soutenu activement et généreusement les pratiques. 
Ce ne furent pas davantage les deux autres membres du collectif d’art sociologique, auxquels j’ai proposé en 1974 ce concept puis celui de l’École sociologique interrogative – située dans le sous-sol de ma propre maison boulevard de Charonne, Paris XIe -, concepts qu’ils ont adoptés immédiatement, en un moment de bonne entente, parce que cela correspondait alors assez bien à leurs démarches, mais qu’ils n’avaient jamais employés avant. 
Affligé, je suis resté silencieux depuis leur sabordage de l’École sociologique interrogative à laquelle je tenais tant, en 1982, sans même répondre à leurs communiqués agressifs diffusés internationalement et malgré bien des abus déclaratoires de leur part depuis (parfois très irritants), car je ne voulais pas m’engager dans des polémiques indignes. Écoeuré, j’ai même émigré au Québec, pour ne plus penser à eux et passer à autre chose: les arts numériques, en créant la Cité des arts et des nouvelles technologies de Montréal en 1985. 
Mais  cela fera bientôt cinquante ans que j’ai engagé  ma pratique d’art sociologique. Et il est temps que je parle. Cela doit être dit publiquement. 
C’est fait. 
J’ai eu une très longue patience, mais je me devais à moi-même (et non aux autres) de le dire un jour clairement et sans ambages, car mon silence pourrait être interprété contre moi. Ce sera mon hygiène de l’art rétroactive. 
Certes, ce n’est pas une grande affaire que d’avoir conçu un concept artistique aujourd’hui encore si peu reconnu. Beaucoup d’autres artistes du moment s’y seraient d’ailleurs volontiers associés sans se battre avec des propriétés intellectuelles. Je ne suis pas assez vaniteux pour en tirer beaucoup d’orgueil. Je l’ai démontré depuis tant d’années. J’ai même interrompu ma démarche pendant 15 ans, demeurant en réflexion de 1984 à 1999. 
Mais ce qui me décide aujourd’hui, c’est d’observer de plus en plus clairement le discrédit d’une dérive média-médio-cratique qui est menée au nom d’un art sociologique que je ne reconnais plus, à l’opposé de ce que j’ai théorisé. 
Si le Centre Pompidou a voulu que ma rétrospective soit titrée avec l’art sociologique, c’est évidemment parce que ma démarche est apparue comme fondatrice, en rupture avec l’air du temps des années 60-70, et que c’est en cela qu’elle était significative. Et c’est bien ainsi que je l’ai vécue, que j’y ai consacré ma vie, que j’ai construit ma vie, comme il ressort clairement de l’expo: elle raconte ma vie, la vie d’un sociologue engagé dans la sociologie, jusqu’à lui trouver un développement nécessaire dans la sociologie des imaginaires sociaux: la mythanalyse.

« … um die grauen Gewölwe Streifen rötliche Flammen dort, Verkündende, sie wallen geräuschlos auf. » (Hölderlin, Des Morgens). 


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HYGIÈNE DE L’ART

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La déchirure des oeuvres d’art (1971-1974) a été, comme la performance et le livre L’histoire de l’art est terminée (1979-1981), une démarche radicale d’hygiène de l’art opposée aux stéréotypes convenus de l’art et à la mode exacerbée de l’avant-gardisme. Personne ne semble avoir pris conscience que c’est le même geste déclaratoire et collectif, en deux temps. Il me fallait me nettoyer l’esprit, faire dans la mesure du possible table rase, pour retrouver la liberté de mon propre chemin critique et ma démarche interrogative participative, que j’ai appelé l‘art sociologique.
Toute ma vie, c’est cette liberté mentale que j’ai recherchée et qui seule m’a permis de construire ma vie, ma démarche d’artiste et de fonder la mythanalyse.

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Barthélémy Toguo Strange Fruit ou Allégorie du Blood on the root

Résonnances Africaines d’un cahier, retour au pays de la Ségrégation dans le sud des Etats Unis
Arnaud Fischer Expo B. Toguo Vue 3 9010e

Vue d’exposition
Six mois après sa nomination au prix Marcel Duchamp, Barthélémy Toguo présenta du 12 octobre au 25 novembre 2017 un ensemble d’œuvres réalisé pendant l’été 2017 à la galerie Lelong de la rue de Téhéran à Paris. Strange Fruit est l’évocation d’une chanson rendue célèbre par Billy Holiday : « Southem trees bear strange fruit Blood on the leaves and blood on the root Black bodies swinging in the southem breeze Strange fruit hanging from poplar trees. »
« Les arbres du sud portent un fruit étrange Du sang sur leurs feuilles et du sang sur leurs racines Des corps noirs qui se balancent dans la brise du sud Un fruit étrange suspendu aux peupliers »


Voir en ligne : https://www.barthelemytoguo.com/
Une face rouge. Une face noire. Musique. Southem trees bear strange fruit. Mélodie silencieuse dans laquelle on entend des cris. L’installation de Barthélémy Toguo n’a pas de bande son. Délectation. Quand la chaleur se tait, écrasante, faisons silence par respect à ces hommes, femmes et enfants noirs dont le destin a été de se lever un noir matin et d’avoir été tués parce qu’ils portaient la couleur de l’obscurité blanche. Black bodies.
Le sang qui coule dans nos veines est rouge, comme la face B du vinyl de Billie Holiday, pendue aux arbres, branchages reconstitués par l’artiste qui n’a de cesse de dénoncer la prolifération des violences racistes à travers le monde. Des corbeaux de laiton sont perchés sur les branches. Or. Charognes. Les fruits de ces arbres morts sont des dessins. Cordes de pendus. Who is the true Terrorist ? Ce dessin de Barthélémy Toguo date de 2010. Main fermée, poing levé, ensanglanté. Cette encre sur papier nous rappelle que l’engagement de Barthélémy Toguo ne date pas d’aujourd’hui. Black bodies swinging in the southem breeze. Strange fruit hanging from poplar trees.
Notre ventre est écartelé par la souffrance, déchiqueté par la violence de ces crimes commis par les états ségrégationnistes du sud des Etats-Unis d’Amérique. Corps noirs lynchés. Anonymes à l’encre rouge dessinés. Et la mélodie de cette chanson interprétée par Billy Holiday semble resonner dans l’espace, accompagnée par les chants des esclaves de cotons. Percutions de l’Afrique ancestrale. Le rossignol s’est tu. Le sang rouge des hommes coule sur notre front. Le regard cherche une échappée. Fruit. Trees in the southem breeze. Poplar trees.
Le buste d’Ida B Wells, journaliste afro-américaine est au cœur de l’installation. Laiton. Couleur Or. Son combat : la lutte contre la ségrégation et le lynchage. Méconnue en Europe, née en 1862, morte en 1931, son livre Les horreurs du Sud n’a été traduit et édité à Genève qu’en 2016.
Quelles sont les armes des meurtriers ? Revolvers. Chaise électrique. Chiens aux crocs acérés à la langue pendante. Où sont les maîtres ? Au nom de quoi ont-ils commis ces crimes ? Et cette question posée par l’artiste lui-même : Who is the true Terrorist ? revient lancinante comme un nouveau refrain à la chanson de Strange Fruit. Et nous restons figés, pétris d’effroi face à cette beauté qui jaillit de l’inéfable, de l’insupportable tragédie. L’exposition de Barthélémy Toguo est une allégorie qui ne nous laisse indemne. Rien n’est inéluctable dans une tragédie.

++INFO++
Strange Fruit de Barthélémy Toguo Galerie Lelong 13 rue de Téhéran 75008 Paris du 12 octobre au 25 novembre 2017
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collection du Museo Nacional de Artes Visuales de Montevideo, Uruguay

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Nº de Inventario4822
TítuloLe temps qu’il fait
AutorHervé Fischer (1941)
TécnicaAcrílico
SoporteTela
Medidas102 x 120 cm
Realizado2004
Ubicación: Museo Nacional de Artes Visuales
ExhibiciónNo

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TítuloLe temps qu’il fera 
AutorHervé Fischer (1941) 
TécnicaAcrílico 
SoporteTela 
Medidas102 x 120 cm 
Realizado2004 
ExhibiciónNo[+]
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Mon rite initiatique de l’art sociologique

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La déchirure ds oeuvre d’art, Centre Pompidou, exposition rétrospective, 2017.
Lorsque j’ai décidé en 1970 de déchirer mes propres peintures, ce que j’ai appelé « la déchirure des oeuvres d’art », puis que j’y ai invité mes contemporains, j’ai reçu quelques 350 oeuvres déchirées ou à déchirer. 


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L’hygiène de l’art, performance de l’artiste, toiles essuie-mains et toiles libres avec empreintes de mains

Simultanément, j’ai insisté sur cette table rase avec ce que j’ai aussi nommé « l’hygiène de l’art ».
Jamais je n’avais entendu parler de « l’hygiène de la vision » dont Pierre Restany m’a entretenu après à propos de Martial Raysse.
Il s’agissait pour moi, d’un rituel de mort et destruction du monde de l’art ordinaire que je connaissais et auquel j’avais participé avec des oeuvres et des expositions, afin de m’en nettoyer l’esprit et de me rendre disponible pour un nouveau rapport à l’art et au monde qui a été ce que j’ai appelé « l’art sociologique ». C’était une pédagogie personnelle, que j’ai partagée dans ce que j’ai appelé des « travaux socio-pédagogiques » et en invitant les autres artistes à me rejoindre dans ce rituel purificatoire de la déchirure des oeuvres d’art.
Ce fut une démarche instinctive. 
C’est longtemps après que j’ai pris conscience qu’elle était comparable à beaucoup d’autres rituels de mort, destruction, putréfaction et renaissance qu’ont institués diverses religions et sociétés  initiatiques, y compris la franc-maçonnerie.
Je n’ai jamais pensé à être franc-maçon, même si je pourrais en partager profondément les valeurs humanistes déclarées, totalement dissuadé d’une telle démarche par les rituels symboliques naïfs et les abus de solidarité entre « frères » requis, qui ne sont pas compatibles avec mon style de vie. Je tiens beaucoup trop à ma liberté individuelle de pensée et de comportement pour cela. Et je n’en ai pas besoin pour suivre mon chemin et mes engagements hyperhumanistes.