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Gérard Fromanger au Centre Pompidou

Arnaud Fischer images



Gérard Fromanger a exploré systématiquement cette idée, depuis mai 1968 : «sous les pavés, non pas la plage, mais les couleurs». Il colore la vie urbaine quotidienne et ses passants comme on colorait les temples et les statues dans la Grèce antique, mais en aplats saturés juxtaposés, comme une surimage qui recouvre partiellement l’ancienne en couleurs grises, ou en camaïeu bleu froid, sans parvenir à s’y substituer.  Son tableau de 1975 intitulé « Florence, rue d’Orchampt », dans la série « Splendeurs I », constitue une sorte de manifeste de cette célébration de l’imaginaire et de la liberté que symbolisent les couleurs surgissant de la grisaille ordinaire ou en superposition du regard ordinaire conditionné et soumis que nous en avons. «Dans ce tableau, le personnage demeure en noir et blanc comme les murs qui l’entourent, et c’est la chaussée qui s’illumine. Sous les pavés, non pas la plage, mais la couleur. » (Catalogue de l’exposition Gérard Fromanger, Centre Pompidou, février 2016). Cette chromatisation de l’image de la vie sociale, en couleurs qui apparaissent multicolores en juxtaposition foisonnante et désorganisée,  c’est donc la révolte qui anime Fromager contre l’ordre établi, une sorte de rage situationniste où le rouge révolutionnaire se répand, coulant de tous les drapeaux nationaux sur les scènes de la vie ordinaire qui demeure presque toujours présente et qui tend même souvent à imposer aux couleurs vives une sourdine réductrice. Il y a dans ces peintures une tension, une lutte dialectique entre la grisaille et l’explosion chromatique, qui exprime cet engagement politique contestataire, souffrant, de Fromanger contre l’aliénation politique et capitaliste que subissent ses contemporains. Une rage sourde qui transparaît constamment de sa palette. Ses compositions demeurent donc fractionnées, cloisonnées, prises dans entrelacement de structures linéaires embrouillées qui bloquent la dynamique révolutionnaire comme un filet policier.Il y a beaucoup de douleur contenue dans les œuvres de Fromanger. Du point de vue sociologique, nous sommes en présence d’une démarche de transition entre l’ancien et le nouveau monde, dont la dynamique demeure triste malgré sa puissance chromatique provocatrice. Mai 68 n’a été qu’une tentative inachevée. Cette colorisation du monde n’est encore qu’un prélude au fauvisme digital euphorisant qui envahira bientôt notre société de consommation dans une gamme de couleurs crème glacée.